Après avoir lu le Matin des magiciens de Pauwel et Jacques Bergier, paru en 1961, je me demandais s’il en existait des commentaires, une édition critique ou bien une suite. Bien que le texte ne l’affirme pas, le fait de se proposer de « retour[ner] au réalisme fantastique » et de faire appel à la notions de magiciens1 laisse penser au lecteur – du moins laisse planer l’ambiguïté – que ce long texte hétéroclite de deux tomes pour 2009 pages au total, est la suite réactualisée du célèbre essai.

Or c’en est peut-être l’inverse puisque les auteurs anonymes de ces deux pavés de valeur très inégale n’ont de cesse de vouloir « débunker » les questions les plus épineuses de l’époque contemporaine, pour qui veut voir le monde sous l’angle non-matérialiste, donc sous l’angle de la magie, du mystique et/ou de la religion. Par exemple, dès la subdivision 1.2.12, la « rumeur sataniste », l’ensemble du propos consiste à expliquer qu’il n’existe rien de tel que des réseaux pédophiles d’antiélite sataniste, que le satanisme est quelque chose de folklorique et résiduel et que la plupart des thèmes Qanon ou « complotistes »3 sont du pipeau. Circulez, amis curieux, il n’y a rien à voir par ici (et n’allez surtout pas trop regarder de près).

J’avoue avoir lâché la lecture arrivé à la page 498, mais ce chemin parcouru m’aura laissé penser que ce travail n’est pas sérieux. En effet, 1.1. (« Les sciences fastes et néfastes »), nous dresse un panorama bien sombre des moyens que l’être humain a de se faire du mal. Le monde anxiogène dépeint ici égratigne les EUA, notamment dans le chapitre sur les biologistes assassinés4, tout cela créant une ambiance sombre. Ensuite, après avoir minimisé l’importance de Satan dans le monde actuel, un accent assez incompréhensible est mis sur la question des Tours du Diable, qui se trouvent en Eurasie, à savoir dans le monde musulman et orthodoxe. 2.1 (« Géopolitique du mal ») rajoute le monde soviético-russe5, plus précisément, et le Nazisme… et rien sur le judaïsme et sa gnose6. Ni le catholicisme. Autant le dire sans ambages, la qualité très médiocre des sources utilisées (Wikipedia, Jean Robin) tout au long de ces pages, font penser à des devoirs d’école anonymes, quelque chose qui ressemblerait aux premiers travaux des apprentis agents du Consortium de Falsification de la Réalité (CFR) dans Les falsificateurs d’Antoine Bello), d’une officine atlantiste judéo-protestante – ou simplement sioniste – chargée de montrer que le Diable est au Moyen-Orient (sauf dans l’entité sioniste). Une sorte de pseudo-chef d’œuvre public, préalable à leur enrôlement comme agents de contrôle de la pensée. On pense évidemment à la galaxie des commissaires idéologiques de service, cette nébuleuse flicaillante que sont les anticonspirationnistes officiels, que sont les crétins du type Julien Pain, Rudy Reichstadt, etc. qui auraient eu un cours d’ésotérisme, histoire d’étoffer un peu leur approche, et qui auraient rendu un mauvais devoir de fin de cycle.

Je n’ai donc pas poussé plus loin la lecture de ce fatras idéologique, sans être impressionné par l’esbroufe quantitative, ni dans l’« effet Veblen » de la taille7, ni dans le foisonnement des références pseudo-guénoniennes. Les sous-doués scribouillards devaient passer leur Bac d’apprentis forgerons, comme pour Théorie et pratique du collectivisme oligarchique du pseudo-Goldstein, mais cela ne m’a pas convaincu.

Notes

  1. De midi, une fois la matinée passée et comme pour s’inscrire en héritiers. ↩︎
  2. Tome 1, Deuxième partie, chapitre 1 ↩︎
  3. Le terme est employé par les auteurs, ça situe quand même largement le propos… ↩︎
  4. Dont les références ne sont pas inutiles quand on essaye d’en établir des listes même non-exhaustives, cf. les pages consacrées aux morts suspectes. L’intention idéologique d’un livre peut être douteuse et pour autant une partie de son matériel peut être intéressant. ↩︎
  5. J’ai sauté la fin du premier tome pour lire les 136 premières pages du tome II. J’ai quand même lu 636 pages de ces deux pavés, de sorte que je n’ai pas fait que les survoler. ↩︎
  6. Non pas que je tienne comme une obsession à ce que le sujet soit absolument traité, mais si déjà le texte se focalise sur l’Eurasie, oublier cette culture est un peu gros. Par contraste, que les hypothèses extraterrestres (Ummites/Oumaines), de religions amérindiennes, de civilisations perdues, etc. soient absentes n’est pas à déplorer. ↩︎
  7. Deux volumes, 1900 pages, c’est donc fouillé : non, cinq copieurs-colleurs de niveau licence-master savent produire un truc pareil si on leur en donne les moyens financiers, donc le temps. ↩︎

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