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Lounès Darbois et Pierre de Brague : du branleur au hardeur, la pornocratisation des esprits

La vidéo présente le livre et rajoute un petit micro-trottoir dans la rue, dans lequel Pierre de Brague demande aux gens ce qu’ils pensent de la pornographie, de réagir au fait que les filles de plus en plus jeunes se conduisent comme des actrices pornographiques (ou du moins reprennent des poses suggestives)1 et s’il faudrait interdire la pornographie.2

Conférence : « De Hollywood à Jacquie »

Conférence donnée à Lille, le 23 février 2019

Entretien avec Stéphane Edouard : « le porno va t-il disparaître ? »

YouTube, 12 décembre 2018

Recension du livre

Un livre pas assez sociologique

Malheureusement, Sociologie du hardeur est un livre très en-deçà de ce qu’il aurait pu être et la vidéo que l’auteur a tourné avec Pierre de Brague est presque aussi intéressante, avec les extraits de vidéos qui illustrent le propos de manière visible. Ayant choisi le titre de son livre en référence au Sociologie du dragueur d’Alain Soral, publié par la même maison d’édition dont Soral est l’éditeur, le livre de Darbois en partage le même grand défaut : promettre l’universel de la science (la sociologie) mais n’offrir qu’un témoignage intéressant mais trop personnel, plus proche du roman, qui n’arrive que bien trop peu à universaliser faute d’éléments chiffrés ou d’enquête fouillée. Dans son propre livre, Darbois se fait narrateur qui rencontre un ancien camarade de classe, Cyril, bien décidé à lui parler de pornographie et de complot juif. Plus par politesse que réel intérêt, le narrateur écoute donc le flot célino-soralien de son ami, sans trop oser l’interrompre, ou pour le faire de manière souvent agaçante à couper le rythme pour pas grand-chose. On est loin d’un dialogue platonicien mais plus proche d’un grand solo de jazz nabien ponctué de respirations, et qui termine dans un délire un peu tiré par les cheveux. Dans la vidéo, Pierre de Brague prend le rôle de Darbois et ce dernier devient (ce qu’il n’a jamais cessé d’être sans oser le dire et se cachant derrière une tierce personne par pudeur et crainte de parler à la première personne) Cyril : on y perd le jazz (mais ce n’est pas grave), on y gagne au change un peu de sociologie.

Gros défaut du livre, le fait d’avoir donné des surnoms aux acteurs évoqués empêche d’aller regarder sur Internet qui ils sont et de glaner des informations sur eux, par pour vérifier si oui ou non les acteurs mâles sont bien tous (ou presque) homosexuels. Evidemment, cela permet de les insulter sans risquer de procès, mais il aurait été sans doute plus judicieux de sacrifier le style défouloir pour gagner en précision.

On note aussi que la structure est étrange : si la première partie (88 pages) est découpée vingt-six sous-parties, la deuxième (81 pages) n’est plus qu’un long bloc…

Sur le fond, le livre dit que la pornographie humilie la personne qui la regarde, obligée de passer par un médiateur tout-puissant pour s’imaginer baiser avec des femmes de plus en plus belles qu’il n’aura jamais. On n’apprend pas grand-chose sur le fait que tout cela est du cinéma et triche largement sur les performances des acteurs.

Très personnel, le livre part du regard d’un homme sur le porno, et on ne sait rien de la consommation féminine de cette industrie qu’on imaginait marginale et qui semble ne pas l’être tant que ça, au point que des réalisatrices se mettent à en faire, comme Erika Lust. De même, si l’auteur part à un moment sur une esquisse de sociologie (frustrée) des femmes, leur reprochant d’aimer les mauvais garçons et de ne pas s’intéresser aux bons, l’esquisse ne mène à rien de tangible, alors que le hiatus inversé entre les sexes eut pu être intéressant, les hommes se trouvant ici romantiques et doux quand les femmes sont dépeintes comme des êtres insatiables et violents, rêvant d’être prises et possédées.

Un peu plus loin, une histoire du porno nous est promise, plusieurs fois différée, malheureusement. Il est intéressant de voir qu’à une époque où la vidéo-cassette s’est généralisée en même temps que les télévisions en couleur, la première pornographie montrait ce qui se passe après la fin du film ou du conte de fée, quand le couple est réuni pour la nuit et que le générique de fin descend un voile pudique sur ce qui suit, puis devient de plus en plus violent, parce que le public s’accoutume et qu’il faut augmenter les doses de dopamine. Pour ce, il aurait fallu livrer des études neurophysiologiques, comprendre pourquoi, par exemple, le conte de fée, la série mielleuse ou le film de Noël peuvent être déclinées des milliers de fois sans que les genres pourtant éculés ne disparaissent ou ne mutent, et ce qui fait la spécificité du porno. Certes, la pornographie est faite pour la masturbation mais le film d’action ou la série romantique procurent aussi un état de stress ou une gratification neuronale une fois l’intrigue terminée ou le camp du Bien victorieux, qui peuvent aussi s’expliquer par les mêmes décharges hormonales.

P. 73-74, Darbois parle de l’introduction du Viagra qui a changé la donne, mais n’en dit pas plus. Pas d’étude économique du milieu du porno, alors qu’en regardant, guidé par la vidéo plus que par le livre

De même une étude un peu précise de l’évolution des catégories qui n’est malheureusement qu’esquissée.

En l’an 2000, […] la catégorie anal se généralisa lorsque les petites yankees jusque-là rebutées par ce tabou, ennemi de leur culture et de leur éducation, soudain s’y résolurent, obligée de s’aligner sur la concurrence des filles de l’Est. […] Les actrices et les acteurs accédèrent à une notorieté “grand public”, ils furent demandés, invités, respectés ; les grands médias les affichèrent pour racoler, et John Galliano inaugura en prêt-à-porter féminin le style dit du “porno chic”. A partir de 2008, chaque acteur et actrice de premier plan eut ses comptes [de réseaux sociaux] […] La subversion pornographique des années 70 passait la frontière, ça y était ! Les catégories, les scénarios boss, cuckold, stepbro, visant à toucher les gens dans leurs nouveaux modes de vie, à susciter l’interrogation, cherchèrent à flatter chaque petite segmentation de marché.

P. 27-28

De même, si l’auteur évoque le passage du film pornographique à scénario à la faveur du gonzo, c’est-à-dire une pornographie plus dure, directe, sans aucune histoire visant à faire présenter une situation que le consommateur fantasme, il aurait été intéressant de faire une analyse plus poussée de ce phénomène au lieu de l’esquisser simplement.

Lutte des classes ou lutte des races ?

En tout cas, dans la première partie on a l’impression d’avoir une critique égalitariste ou socialiste de la pornographie31, critique du fait que des producteurs puissent se servir de la misère sexuelle des consommateurs pour leur donner à voir un produit qui les avilit et les maintient dans un état de dépendance sans jamais les émanciper (leur apprendre, les décoincer) ou valorise le fait que quelques mâles attractifs arrivent à cumuler les femelles, et le montrent ostensiblement pour acter leur victoire, pendant que les autres soient obligée de regarder4. Mais dans la deuxième, le propos n’est plus celui de la lutte des classes mais celle de la lutte des races : ayant vu (mais le démontrant trop mal) que tous les plus grands studios étaient tenus par des Juifs, et que ces derniers prenaient un malin plaisir à faire baiser des blanches par des noirs, Cyril se fait l’écho de tous les blancs humiliés par la situation. Le livre n’est plus alors qu’un long râle de rancune et de jalousie à la Houellebecq (Extension du domaine de la lutte est cité) qui fait plus pitié que réfléchir, et qui semble acter la victoire symbolique du manipulateur. Le blanc (et l’Arabe ?) déteste(nt) le noir et le noir est utilisé pour créer de la tension entre communautés. On ne sait pas si, en 2023, après le masculinicide des Ukrainiens organisé par l’OTAN ayant sacrifié ceux-ci dans une guerre contre la Russie5, le jeune Lounès aura suivi les traces de virilistes identitaires partis trouver des femmes à l’Est de l’Europe où elles sont belles et nombreuse et si sa rancœur est passée… en tout cas le propos n’est plus que haine en volute et le fil de sociologie qui tenait encore un peu les attributs du livre en place a explosé dans un délire conspirationniste : ça part en couilles…

Bref, je veux bien qu’on pense que la pornographie est un poison lancé dans le cerveau des goyim pour les détruire leur moral(e) en se faisant de l’argent tout en les divisant pour les monter les uns contre les autres (et non pas “sur” les autres), dans une sorte de guerre de cinquième génération ou forme élaborée de l’empoisonnement des puits ou en application du Protocole des sages de la montagne de Sion, mais encore faudrait-il me démontrer que 1) ils n’en consomment pas eux-mêmes, donc ne s’auto-détruisent pas (en quel cas l’aspect complotiste serait largement à revoir) ; 2) fouiller un peu plus le fait plutôt que de simplement donner un tableau avec les noms des propriétaires des plus grands studios, sans donner leur poids économique, le nombre de films tournés, etc. Fabian Thylmann, créateur de Mindgeek est-il Juif ? Feras Antoon, qui a racheté Mingeek à Thylmann (aujourd’hui Aylo), est un Syro-Canadien ; et le fonds qui a racheté Aylo en mars 2023, Ethical Capital Partners, est-il possédé (uniquement) par des Juifs ? Je veux bien ne pas me braquer et ne pas faire ma vierge effarouchée, donc oser poser la question, mais encore faut-il apporter le début d’une enquête, ce qui n’est pas le cas. Et ce alors que Lounès Darbois, affirme que cette découverte a été l’élément déclencheur de l’écriture de son livre. Un élément aussi central et aussi bâclé à la fois, c’en est troublant.

Au final, même si on ne peut pas reprocher au livre d’être daté dans une industrie qui évolue vite (en 2017, il n’y avait pas encore la généralisation de plateformes d’autoproduction pornographique comme OnlyFans6), on peut quand même lui reprocher de ne pas avoir traité le sujet qu’il promettait et de s’être beaucoup trop laisser à l’épanchement d’un cri personnel. Il aurait même pu parler de ces jeunes hommes qui s’organisent pour refuser la masturbation (et par voie de conséquence, la pornographie), les nofap.7 Ce qui laisse à penser que même une réactualisation du propos serait assez compliqué à envisager car il faudrait changer l’ensemble de la structure du texte, et sans doute virer le personnage de Cyril à la faveur d’un vrai essai. Bref, c’est un livre bâtard qui n’est pas très utile.

Autres textes de Lounès Darbois

« La pornographie pour contrôler les esprits ? – Entretien avec Lounès Darbois, auteur de Sociologie du hardeur », Breizh Infos, 27/09/2018

« La pornographie contre les gentils garçons », Egalité et Réconciliation, 07/10/2018

Notes

  1. Pierre de Brague avait repris cette idée dans sa conférence intitulée « Instagram, YouTube, déprime : la nouvelle culture de masse », en 2019, qui pourrait être vu comme un complément de cet échange de 2018. ↩︎
  2. Je ne partage pas du tout ce dernier point, même si je pense que des communautés non-étatiques peuvent le faire ; en tout cas, l’Etat n’a pas à le décider lui-même. ↩︎
  3. Ce qui fait que le rapprochement, dans l’émission « Pourquoi tant de haine » n°1 [20 septembre 2018], de Lounès Darbois et du communiste Adrien Sajous venu parler de son Sociologie du gamer réunit par la problématique des mondes virtuels, était tout à fait justifié, cf. « La société-écran » ↩︎
  4. On ricanera en cape à se dire que Lounès Darbois a publié dans une maison d’édition contrôlée par une association, Egalité et Réconciliation, où c’est un peu l’organisation, le chef sociologue de la drague et gros baiseur, ayant tendance à vouloir se réserver les femelles dans un monde politique (donc très masculin) et s’en vanter devant ses petits camarades jaloux mais soumis à la hiérarchie. ↩︎
  5. Qui n’aura servi qu’à renforcer les Russes et humilier les Etats-Unis (une auto éjac’ faciale, en somme). ↩︎
  6. OnlyFans est possédé, en 2024, par Leonid Radvinsky qui a donné 11 millions de dollars à l’AIPAC, le lobby juif. ↩︎
  7. Je ne sais plus si c’est M. K. dans une émission ou Michel Drac lors de sa recension Men on Strike (sur les rapports hommes / femmes aux EUA) qui en parlait. ↩︎

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