Si la fin des années 1960 marque un tournant dans la relation des Etats-Unis avec Israël, ce tournant est en partie l’œuvre d’une nouvelle élite juive américaine qui, sous le nom trompeur de “néoconservateurs”, va graduellement conquérir un poids considérable dans la politique extérieure américaine. […] Les pionniers de [ce] mouvement (Norman Podhoretz, Irving Kristol, Donald Kagan, Paul Wolfowitz, Adam Shulsky) sont des disciples de Leo Strauss. Strauss, issu d’une famille de Juifs orthodoxes allemands, est un spécialiste de Thomas Hobbes (…). Sa pensée est difficile à cerner parce que, comme tous les grands philosophes selon lui, il réserve l’accès de la Vérité aux esprits supérieurs (pour l’homme ordinaire, il y a la religion). Pour cette raison, Strauss s’exprime dans ses livres moins souvent en son nom propre qu’en tant que commentateur des auteurs classiques. […] Trois idées fondamentales peuvent être extraites de la philosophie politique de Strauss. Premièrement, les nations tirent leur force de leurs mythes, qui sont indispensables pour le gouvernement des peuples. Deuxièmement, les mythes nationaux n’ont pas de rapport nécessaire avec la réalité historique. Troisièmement, tout mythe national doit être fondé sur l’identification claire d’un ennemi. Strauss admirait Machiavel, le fondateur d’une philosophie politique qui, en rupture avec les classiques, renonce à faire reposer le pouvoir sur la vertu, et affirme que le “prince” ne peut gouverner efficacement qu’en se faisant « grand simulateur et dissimulateur » et en « manœuvrant par la ruse la cervelle des gens ».

Laurent Guyénot, Du Yahvisme au Sionisme. Dieu jaloux, peuple élu, terre promise : 2500 ans de manipulation, chap. XI – La cabale infernale (Néo-conservateurs, crypto-sionistes), p. 295-296

A première vue, les trois points dégagés chez Strauss, dans la synthèse de L. Guyénot, m’auraient autant fait penser à Carl Schmitt qu’à Machiavel. Quelques textes sur le “dialogue caché” entre les pensées de Schmitt et Strauss existent, et notamment, en français et anglais :

  • BEAUD Olivier, [2003] « Lectures croisées de Hobbes : Carl Schmitt entre Leo Strauss et Michel Villey », Droits, 2003/2 (n°38), p. 159-182.
  • MEYER Heinrich, [2006] Carl Schmitt and Leo Strauss – The Hidden Dialogue, USA, University of Chicago Press, 156 p.
  • FOESSEL Michael et KERVEGAN Jean-François (éds.), [2016] Modernité et sécularisation: Hans Blumenberg, Karl Löwith, Carl Schmitt, Leo Strauss, Paris, CNRS éditions
  • KAI Marchal et SHAW K. Y. (éds.), [2017] Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World: Reorienting the Political, Lexington Books, 290 p.

Il faudrait approfondir le point.

Photo d’entête : “Syria 2007 224 Israel dictates USA Foreign Policy” par David Holt.

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