Modeste Schwartz voulait parler de féminisme. Après nous avoir prouvé qu’il avait connue une vie sexuelle variée et mouvementée (et que, vivant dans un pays de l’Est, il avait un cheptel de vraie femme à sa disposition d’Occidental), et donc qu’il n’est pas frustré, il s’est fait plaisir, il a sublimé sa langue, ampoulé sa plume façon post-moderne des années 1970 (genre Foucault en plus précieux), s’est défoulé, c’est plaisant et rigolo, ça se lit vite, mais en aucun cas on ne sait quoi en faire : ni retourner à une Eglise (pas même orthodoxe), ni s’entrainer pour un mode de vie ou développer un programme politique particuliers. C’est donc, à l’image de la société féminisée qu’il dénonce : du résidu doré et pétillant de branlette.

Ce n’est d’ailleurs pas que dans le style d’écriture que Schwartz singe les tracts gauchistes situationnistes (il est d’ailleurs très dépendant du fascicule Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille [2001] du collectif Tiqqun, qu’il cite en épigraphe au mois trois fois sur quatre1).
Sur le fond aussi il en adopte la posture : comme un bon gauchiste-donneur-de-leçons-ricanant, Modeste Schwartz explique aux gens qu’ils n’ont rien compris, qu’il est plus de gauche que la vraie gauche dévoyée et plus loin dans la vérité d’une droite qui ne serait ni libérale ni conservatrice, que leur opposition n’est qu’un reflet factice du réel, tout en s’abstenant de rétablir – comme l’eût fait un philosophe poli – la vraie alternative qui permettrait de s’exfiltrer de l’impasse dans laquelle nous plonge les jugements au marteau-piquant du grand branleur sibyllin. En atteste l’absence de structure du livre, juxtaposition de 64 textes courts avec des liens moyennement forts (quelques renvois de l’un à l’autre donnant un semblant de tout, mais peu) et le cul-de-sac argumentatif de la chose scripturaire, qui ne donne que peu de perspective aux gens : Schwartz est bien le fils du monde qu’il dénonce2.
Pour comprendre où il veut en venir, la 4ème de couverture est encore le plus clair moment du touffu propos.

Du coup, un peu comme les gâteaux de Noël qui trainent sur la table en fin en festin, qu’on mange sans faim, très sucrés (bien écrit), épicés et chargés de graines (name droppant à souhait les références décontextualisées3 pour que les intellectuels aient l’impression de participer à une orgie select), précieux (avec cette foison de parenthèses dont l’auteur ponctue ses phrases jusqu’à plus soif), donc bons mais sans véritables apport calorique utile, le livre de Modeste Schwartz est sympathique, ampoulé, snob et assez superflu. L’Occident est foutu, les hommes sont des fiotasses (sauf lui qui échappe divinement comme tous les gauchistes phraseurs à toutes les déterminations qu’ils dénoncent), les femmes des connes congénitales et il ne reste plus qu’à séparer les progressistes décadents fonçant dans le mur de leur connerie d’un côté et tenter de sauver ce qui peut l’être (même si tous les conservateurs sont des pédés et des cons aussi) de l’autre, en attendant la chute (dont le spectacle nous fera peut-être enfin jouir).

Notes

  1. Principe-même de l’épigraphie qui manifeste silencieusement d’un besoin de reconnaissance. On cite comme on bande : faut que ça se voit, regardez-moi, ecce hetero, ô comme « j’écris de si bons textes » ! Et puis Schwartz ne traduit même pas ses citations : ô comme il sait parler français, anglais, allemand, hongrois, chinois et russe, quel homme, vous l’avez bien vu, dites ? ↩︎
  2. Après la révélation pompeuse des fausses oppositions, l’autre nec plus ultra du gauchisme verbeux c’est de faire remarquer que les personnes qui dénoncent en se pensant hors système sont dedans ; donc voilà, Schwartz : cécluikidiklé. ↩︎
  3. Entre gens hors norme, on ne s’explique pas les blagues d’initiés. ↩︎

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