J’ai rarement lu un livre aussi nul et je l’ai fini uniquement parce que je devais écrire un commentaire dessus dans le cadre de l’opération « Masse critique » de babelio.com. Jamais eu autant de mal à terminer 267 pages avec un tel condensé de conneries, alors qu’en même temps les libertés des peuples occidentaux étaient mises en suspens par une mafia internationale, dans l’indifférence générale d’une génération abrutie d’écrans qui va se faire injecter sans broncher des produits expérimentaux tout en acceptant de laisser de côté une partie de ses compatriotes sur la base d’une propagande pseudo-scientifique. Bref, alors que le livre eût pu être d’une actualité brulante puisque la tragédie de la mise en esclavage des débiles se déroulant sous nos yeux en cet été 2021 l’aurait rendu des plus actuels, la lecture s’est avérée des plus pesantes.

Enfin, soyons juste : les 123 premières pages – soit la moitié du livre environ – sont une sorte de copier/coller/appauvrir de l’esprit de la sociologie allemande de la fin du XIXème siècle (Tönnies et Weber en tête), repris par la plupart des sociologues germanophones dans les années 1930-40 et notamment Karl Popper avec ses « sociétés closes » et « ouvertes ». On y “apprend” donc rien de nouveau, sur le passage de la société traditionnelle à la société moderne – mais comme nous sommes en 1941 et qu’en 1941 il faut taper sur les Nazis en faisant gentiment l’impasse sur l’URSS – sur le sujet de la peur de la liberté, le communisme n’aurait pas été incongru, non ? – l’auteur nous gratifie de ses analyses sur Calvin et Luther pour parler plus particulièrement de l’Allemagne. Rien de tout cela n’est ni totalement original, donc, et la partie plus psychologique sur Calvin et Luther d’un ennui profond. Mais qu’importe puisqu’à partir du chapitre 5, Fromm n’y fera plus référence que de manière totalement anecdotique, puis à la fin pour laisser croire au lecteur qu’il y avait une thèse dans son bouquin.

Le chapitre 5 est épouvantablement long, plein d’assertions totalement gratuites bien que crédibles (mais la plupart du temps l’affirmation inverse peut aussi être vraie) et d’exemples tirés par les cheveux sortis de nulle part. Ici on parle d’un rêve, là on mobilise un exemple historique, on badigeonne de Freud, de Moi, de sadomasochisme, de personnalité autoritaire, ça donne tout un grand chapitre fait de bric et de broc et qui n’a ni queue ni tête, pour justifier, en gros, que l’individu est traversé de part en part par des déterminations qui l’empêchent d’être libre. Truc de dingue !

Le chapitre 6 est plus court mais tout aussi con. Tout d’abord, le charlatan refuse d’expliquer le Nazisme par le contexte historique1, chose qu’il ne fait pas totalement, et heureusement car ce sont les seuls éléments un peu intéressants. Le reste est à l’image de la psychologie non-cognitive : débile. La psychologie étant une sorte de salle de torture permettant à un crétin dans l’ombre2 de poser sur des individus une lumière décapante qui révèle tous les traits qu’il veut, selon l’angle avec lequel il persécute son sujet. Vous êtes sûr de vous ? Vous êtes narcissique, il faut vous soigner. Vous n’êtes pas sûr de vous ? Vous êtes névrosé, il faut vous soigner. Le seul à soigner dans l’histoire, c’est l’obscur tortionnaire qui est en train de manger ses excréments et de vouer un culte à sa mère pendant qu’il vous crible de ses questions.

Ici, les Nazis sont sadiques, puis masochistes, puis sadomasochistes, on s’attarde sur les écrits de Hitler (aucun lien avec Calvin ou Luther vraiment établis3) mais quasiment rien sur le Traité de Versailles, 1929 ou la faillite morale et économique de la république de Weimar. La façon de psychologiser les masses est ici d’une bêtise affligeante et grotesque…

Brazil [1985] de Terry Gilliam et l’allégorie du psychoquequ’chose

Le grotesque devient mielleux et niais au chapitre 7, qui déroule tous les poncifs imbéciles sur la liberté, la démocratie, l’espèce de « socialisme démocratique » [p. 241] qu’il faut viser (qu’on a jamais trouvé que dans les réalisations branlantes de quelques socialistes utopiques et qui ne durent en général pas plus de 5 ans) et la liberté que l’individu doit s’efforcer d’atteindre. A ce stade, considéré le rôle de l’université Columbia dans la recherche obscure et cachée, ou les grosses suspicions d’emploi fictif au Bennington College permettant aux chercheurs de s’adonner à autre chose que les livres pour lesquels ils ont été crédités, on se demande si ce n’est pas le même stagiaire faussaire qui a aidé Karl Polanyi à pondre sa Grande Transformation et Fromm à commettre ce truc4. En tout cas le stagiaire qui a écrit la vague niaiserie sur la spontanéité comme vecteur de liberté, n’a pas expliqué comment cela était possible étant donné tous les mécanismes de fuite balancés au chapitre 5… Un peu comme dans la plupart des livres sur l’aliénation ou les déterminismes, tout le monde est déterminé sauf l’auteur du livre ; et comme dans les histoires de magiciens, quand le scénario le veut, l’épreuve est très compliquée voire impossible à accomplir pour le héros, et quand l’histoire est assez longue, un sort sorti du chapeau apparaît comme un deus ex machina qui coupe le nœud gordien scénaristique et tout le monde finit ses pop corns sans moufter.

J’ai terminé l’appendice en m’obligeant à tenir les yeux ouverts, baillant sous le flot de concepts les plus crétins5 de la psychologie, avec leurs histoires de culculs et de caca, oral, anal, toute cette bouse pour arriver à la page 261. Ici, le grand génie vous apprend qu’il a refusé l’approche « psychologiste » (celle du juif Freud) ainsi que celle « économiciste » (celle du juif Marx) pour pomper une troisième approche, « idéaliste », du non-juif Weber. Quiconque a lu ce dernier, sait bien que sa sociologie est une mine d’or – il n’y a donc pas une minute à perdre avec ce flot de merde dont les seuls éléments qui surnagent proviennent d’écrits qui le surpassent et l’insultent par leur grandeur. L’Ecole de Francfort est un poison mental doublé d’une farce savante. Ça n’a aucun intérêt.

Dernier détail : les deux traductrices semblent s’être tout autant ennuyées que moi, puisqu’on trouve moult coquilles, mots qui n’ont aucun sens dans la phrase mais dont le son est proche (la traduction a dû être dictée) ou de ‘connection’ au lieu de ‘connexion’.

Photo d’entête : « Liberté » par MrX_EaE

Notes

  1. Pourquoi nous avoir saoulé avec ses quatre premiers chapitres, alors ? ↩︎
  2. Il faudra bien un jour faire une grande étude sur les motivations des jeunes de 18 ans qui décident de rentrer dans ces facultés où, à défaut de régler leurs propres problèmes lourds, on apprend à juger les autres jusqu’à devenir un tortionnaire du système, un persécuteur en blouse blanche caché derrière ses grilles d’analyses foireuses et dangereuses. A quel point les facs de psychologie ne sont qu’un grand ramassis de salopards, et lesquels des médecins – ces petites catins des laboratoires, ces petits Dr. Knock de la chimie – ou des psychocouacs sont les êtres les plus nuisibles du nazisme sympa, scientifique et feutré sévissant aujourd’hui… Ou pour le dire autrement, lesquels jouent mieux le rôle de flicaille en col blanc, à l’aune de paradigmes foireux et toujours au service de la Banque et du Pouvoir. La question est ouverte. ↩︎
  3. Parler de Schmitt ou de Rosenberg eût écorché le pitre et ramené son propre écrit au statut de poussière infâme. ↩︎
  4. On notera incidemment que les deux textes ont été publiés par Farrar & Rinehart. ↩︎
  5. Résistance à l’objectivation, oui, je sais, oui, ohlalala ! ↩︎

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