L’école autrichienne est-elle forcément une « école libérale » ?, comme on peut le lire dans l’entrée « école autrichienne » du Dictionnaire d’économie contemporaine et des principaux faits politiques et sociaux1. Peut-il y avoir (ou y a-t-il déjà eu) des autrichiens ouvertement socialistes ?

Si l’on suit Hans-Hermann Hoppe et sa critique aussi féroce que documentée à l’encontre de la philosophie sociale et politique de Hayek, parue en 1994, on peut se dire que celui qui est considéré à tort par quelques idéologues-tapageurs comme un ultralibéral, est sur de nombreux points très proche de positions social-démocrates ou ordolibérales.

De même, son propre maître, Friedrich von Wieser, est-il aussi proche des Fabian anglais, et considéré par Ludwig von Mises comme un socialiste.

Pour ma part, j’aurais tendance à penser que Karl Polanyi, fait aussi partie des autrichiens, même si ses syncrétismes (socialisme de guilde, christianisme, jeune-marxisme à tendance libérale ((Polanyi s’interroge sur le problème de la réification, du fétichisme de la marchandise (pour des raisons humanistes) et de la reconnaissance hégélienne que par les lourdes pages du Capital ou du marxisme scientifique)) et austro-marxisme, institutionnalisme) en font quelqu’un de relativement inclassable. Entre 1922 et 1925, alors à Vienne et lecteur de Mises et Böhm-Bawerk, il propose (l’esquisse d’)un système de « comptabilité socialiste » qui intègre certains acquis des critiques faites par Mises aux socialistes voulant se passer de marché pour assurer la coordination des activités de nombreux individus. On peut lire en français, depuis 2007, dans les Essais, comment le grand frère de Michael a essayé de penser l’émergence de prix reflétant à la fois les coûts naturels et les coûts sociaux2, grâce à un système politique en interne3 et concurrentiel (polycentrique) dans les rapports entre Communes, dans un esprit à la fois humaniste (chrétien et socialiste) et autrichien un peu inconsistant. Plus tard, à la fin des années 50 K. Polanyi se pense (à tort ou à raison) véritable héritier de Carl Menger lorsqu’il (re ?)lit la deuxième édition des Principes d’économie politique , publiée de manière posthume par son fils Karl, en 1923, à partir de matériaux incomplets, et qu’il adhère au deuxième sens du terme économie posé par le texte.4

On pourra aussi consulter dans Socialism after Hayek comment Theodore Burczak a tenté de répondre 11 ans après à un article de Peter Boettke, publié en 1995, dans le Journal of the History of Economic Thought, n°17, qui demandait pourquoi il n’y avait pas d’autrichiens socialistes, tout en relevant le défi du “knowledge problem” lancé par Hayek.

On pourra surtout lire l’article de P. Boettke en question dans une nouvelle version Word, là où l’antique version .pdf (image) téléchargeable librement sur le site de George Mason University n’est pas très pratique en l’état.

Ces deux versions sont supérieures au pdf, en ce que, outre de ne plus subir la piètre résolution de l’original, elles permettent les copier-coller, les notes, et l’accès rapide (et retour) aux notes. La pagination a été gardée et mise de manière intralinéaire. Il manque sans doute des liens internes vers les différentes références bibliographiques en fin de documents, ou encore des liens externes – mais le mieux est l’ennemi du bien et je les fournis telles quelles.

Notes

  1. LAKEHAL Mokhtar (coord.), (2003) Dictionnaire d’économie contemporaine, et des principaux faits politiques et sociaux, Paris, Vuibert, 3ème édition, p. 261 ↩︎
  2. Et assumant consciemment ce coût : « L’Humanité ne sera libre que quand elle saura le coût de ses idéaux. Alors seulement elle comprendra que la réalisation de ces idéaux ne repose que sur elle. Alors, aussi, elle trouvera la force de les réaliser, car c’est seulement lorsque nous entrevoyons une relation directe, contrôlable et chiffrable jusque dans le moindre détail entre les sacrifices que nous devons supporter et le progrès que nous pouvons espérer dans la marche à la réalisation de nos idéaux, que nous, les hommes, déployons en nous-mêmes les élans qui nous font emprunter sans détour ni erreur la voie de la marche en avant, l’adapter à nos forces et la parcourir avec joie et satisfaction. » « La comptabilité socialiste », dans Essais, p. 312 ↩︎
  3. Dialogue entre groupements de producteurs et groupements de consommateurs au sein d’une même Commune qui fasse  — normalement — l’économie d’un arbitrage autoritaire par celle-ci. Évidemment, tout est dans le « normalement », et nombre des remarques bien connues de La route de la servitude quant à l’infléchissement d’un régime inefficace (car se perdant en débats interminables et confus et gérable uniquement par des compromis frustrants pour tous ou de manière autoritaire)  en régime efficace à court terme quitte à ce que ce soit les plus résolus, les plus fanatiques, qui coupent en définitive les nœuds gordiens, sont sans doute valable pour ce projet. C’est d’ailleurs en ce sens que lui répondra Mises. ↩︎
  4. Cf. Le chapitre 2 de La subsistance de l’Homme (1977, posth.) ↩︎

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