Des auteurs juifs véhiculant des créatures mythiques du Judaïsme

Le fait a été déjà maint fois souligné mais la plupart des créateurs des super-héros nés au XXe siècle sont Juifs, comme « Will Eisner, Jerry Siegel, Robert Kahn alias Bob Kane, Jacob Kurtzberg dit Jack Kirby ou encore Stanley Martin Lieber, plus connu sous le nom de Stan Lee »1, principalement des immigrés ashkénazes venus d’Europe centrale aux EUA, pour fuir la Deuxième Guerre Mondiale.

Une exposition sur la bande-dessinée au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris, en 20072, rappelait même que Superman était de cette religion et, comme le soulignaient Samuel Blumenfeld et Yves-Marie Labé, après celle-ci « personne ne pourra plus l’ignorer ».

Pour certains ce n’est pas un hasard que les super-héros (américains) proviennent de gens nés dans la culture judaïque. Comme le dit Will Eisner, ce « particularisme juif » serait une adaptation contemporaine du Golem : cette « créature d’argile façonnée par un rabbin pour protéger les juifs de Prague, selon une légende juive du XVIe siècle, est le précurseur de la mythologie du super-héros. Les juifs, persécutés depuis des siècles en Europe, avaient besoin d’un héros capable de les protéger des forces obscures. Siegel et Shuster, les créateurs de Superman, l’ont inventé » [Blumenfeld et Labé 2007].

Xavier Fournier

Pourtant le thème de la créature dangereuse qui peut échapper à ses créateurs n’est pas nouveau. Platon est déjà ennuyé par la schizophrénie demandée à ses Gardiens, simples humains mais à qui on doit apprendre à être féroces avec l’ennemi et doux avec les citoyens. Les grandes figures historiques de chaque peuple, et surtout les grands guerriers, sont rapidement mythifiés, et deviennent eux aussi des êtres extraordinaires à qui on confère des dons de voyance ou de guérison, comme pour les rois thaumaturges en France. Ce phénomène de superhéroïsation de quelques êtres, est quelque chose de commun, même si le super-héros du XXe siècle n’est plus un personnage historique ou tiré du réel, mais un être fictif qui suit l’apparition de la science-fiction.

Concernant le Golem, Mary Shelley, qui n’est pas Juive, écrivant son Frankenstein, n’écrit pas une histoire crypto-juive. Les gnostiques kaballisto-chrétiens, ou les magiciens qui invoquent des esprits en eux, font aussi courir sur eux le risque de devenir des bêtes possédées par ces esprits ou, s’ils gardent leur raison et leur libre-arbitre tout en acquérant un savoir alchimique, de devenir plus puissants que les simples hommes et de risquer de vouloir les dominer, sans que là non plus le Judaïsme n’ait rien à voir ici. A moins de voir la présence sourde de la Kabbale (ou de mystique judéo-égyptienne qui s’en rapproche) derrière l’immense majorité des philosophies, comme le fait Alain Pascal dans son dernier livre, Les sources occultes de la philosophie moderne ; néanmoins celui-ci devient assez outrancier à force d’opposer la pensée catholique à un grand complot oriental voué à l’abattre.

Il me semble pas qu’il y ait ici une spécificité juive, une âme ou une culture juives que les firmes DC Comics ou Marvel aient véhiculé, mais bien quelque chose de plus prosaïque, à savoir que parmi tous les créateurs d’histoires fantastiques et de héros extraordinaires, le monde financier a financé ces gens-là, le monde éditorial leur a permis d’exister et le monde médiatique les a relayés, sans doute au détriment d’autres que nous ne connaissons pas ou qui n’ont pas pu exister. C’est là qu’il faut faire appel à la sélection, dans le cadre de la manipulation culturelle réalisées des sociétés secrètes et des groupes d’influences, de mettre en avant et d’aider à la réussite des produits culturels favorisant une vision politique. C’est aussi pourquoi on connait aujourd’hui les super-héros Nord-Américains parce que la culture a été largement americanisée après 1945, au point d’éclipser d’autres super-héros, comme en France. Xavier Fournier a par exemple conservé la mémoire de 200 super-héros français, en 2014.

Je suppose donc que ce n’est pas tant le fait qu’ils véhiculent une culture juive qui a fait le succès des Marvel et DC Comics, mais qu’on a travaillé à leur succès parce que, sous couvert d’histoire de monde à sauver et autres hauts faits, ils favorisaient une lecture sioniste du monde.

Des héros au service d’une narration sioniste

L’exemple paradigmatique, jusqu’au grotesque, est Captain America. Lui n’est pas Juif, mais la créature de Joe Simon et Jack Kirby, représente à lui seul le fait que durant le XXe siècle les Etats-Unis d’Amérique, aux aspirations profondément isolationnistes mais lancés par des manipulations sociales juives dans deux guerres mondiales, ont été une marionette sioniste. En effet, « conscient du danger que représentait le nazisme à la fois pour les Juifs d’Europe et pour les intérêts américains mais aussi et surtout citoyens d’un pays qui n’est pas encore rentré en guerre », Captain America sert à préparer les esprits en faveur d’une intervention. Ainsi il « entre en guerre avant l’armée US (c’est-à-dire en mars 1941, soit 9 mois avant l’attaque de Pearl Harbor) » et « se permet pour son entrée en service de décocher une droite à Hitler himself ! » [Kamel 2013]

Les mutants : science-fiction et positions politiques plus fines

Personnellement, je lisais pas mal de bande-dessinées Marvel de l’univers X-Men dans mon adolescence, et exclusivement celle-ci, pour deux raisons. D’une part parce que j’aimais le côté science-fiction de cette série, même s’il est difficile de comprendre en quoi une mutation génétique peut changer les lois de la physique-chimie, et transformer de l’air en laser, faire voler des individus, rendre capable un être humain de 70 kg de devenir une fourmi mais de garder sa conscience comme s’il elle avait encore un cerveau humain dans le corps d’un insecte, etc. ad lib. Avec un peu de complaisance pour ces histoires, on peut bien se dire que si on décongelait un homme de l’Antiquité au XXIème siècle, il nous verrait comme des dieux, et rien de ce que nous faisons quotidiennement ne lui paraitrait seulement possible ; alors soit. En tout cas, c’est bien plus cohérent que les autres séries qui mélangent divinités nordiques (Thor), avec des héros Atlantes (Namor), des Magiciens (Mandrake), et pourquoi pas Marduk, Jésus et Platon, affrontant Satan et Sauron et Saddam Hussein dans un Grand Nawak galactique ? Cet aspect “scientifique” permet aussi une lecture laïque de la série, puisque les mutants, au-delà de leur ADN modifié ou enrichi, peuvent aussi préfigurer les transhumains, et poser des questions politiques du futur, à savoir comment les simples hommes qui n’ont pas l’argent pour se perfectionner artificiellement ou pour s’acheter des intelligences artificielles, seront traités par l’hyperclasse du Nouvel Ordre Mondial devenue une autre humanité…

D’autre part, l’univers de cette série, était bien moins manichéen que les autres puisque l’opposition entre les deux principaux chefs des grands camps en présence, Charles Xavier et Magnéto, peut être calquée sur l’opposition politique entre réformistes et révolutionnaires, chez les noirs américains entre Martin Luther King (le pacifiste chrétien – mais financé par des Juifs) et Malcolm X (le Musulman belliqueux), chez les femmes entre le féminisme bourgeois des Lumières et les sextrémistes convergeuses de luttes genroracisé.e.s, bref, cela donne des positions plus fines que dans beaucoup d’autres histoires de super-gentils absolus contre des super-vilains absolus. La position des “méchants” y est rationnelle (ils ne sont pas méchants parce que méchants et c’est tout) : ce ne sont pas des êtres qui veulent le pouvoir pour le pouvoir ou l’argent maladivement (comme la fiction idiote du Roi Midas dont se sert Aristote dans le premier livre de ses Politiques) mais qui veulent parfois se protéger des mutants, à tort ou à raison. Leur position est donc défendable, même pour les partisans de la violence.

On remarque aussi que s’il y a aussi des mutants mauvais, dans l’univers marvellien, tous poursuivent des projets grandioses, messianiques et politiques, ou sont des serviteurs de plus puissants qu’eux et qui, eux, ont aussi ces types de projets. Ce ne sont jamais des sales types qui profitent simplement de leurs pouvoirs pour faire du mal à plus faible qu’eux, comme de manipuler mentalement des êtres pour coucher avec, ou les voir s’entretuer pour le plaisir. De même, je n’ai pas souvenir de mutants se servant de leur pouvoir pour se venger d’ennemis d’enfance ou pour séduire le simple humain qui s’est refusé à eux… tous (au moins ceux dont on raconte l’histoire) ont une autre envergure, politique, occupés à sauver le monde plutôt qu’à leur nombril. Ainsi, les mutants sont des gentils despotes éclairés ou des gentils persécutés, mais ils ne se méprisent pas entre eux comme c’est le cas dans des groupes sociaux opprimés mais très hétérogènes, comme la nébuleuse LGBTQI(etc.).

Néanmoins, dans cette série, les mutants3 sont présentés comme des êtres forts et faibles à la fois, doués de pouvoirs mais persécutés et en proie à de nombreux doutes, leur don étant aussi leur damnation, ce qui les rapproche tout de même bien plus du martyre du “peuple” auto-élu que d’autres formes d’opprimés. Ainsi au fond, Charles Xavier est une sorte de Juif renégat (comme Jésus) ou un Travailliste proche de Shimon Peres, quand Magnéto est plus un membre du Likoud, descendant de Zeev Jabotinsky, du Betar, de la Ligue de Défense des Juifs, voire de Theodore N. Kaufman, celui qui voulait castrer chimiquement la race allemande… L’univers X-Men peut donc se lire selon des interprétations strictement politiques (tactiques), en-deçà des considérations politico-religieuses.

Selon que vous êtes…

Mais, évidemment, si vous êtes non-judéolâtre et que vous remarquez non seulement ces faits, leurs raisons profondes et le rôle de manipulation active des pensées, qu’ils jouent, vous êtes un antisémite paranoïaque qui voyez des Juifs partout. Vos interlocuteurs peuvent même gagner un bon point Godwin et l’ajouter à leur collection de chasseur de Nazis, en remarquant que vous faites comme Goebbels, qui, voyant que « « l’homme d’acier » détruit le mur de l’Atlantique et la ligne Siegfried bien avant le jour J, (…) s’écrie lors d’une réunion : “Superman est juif !” » [Blumenfeld et Labé 2007]. Si vous êtes un Juif arrogant ou un Goy soumis baisant les pieds du Peuple auto-élu et le remerciant pour tout ce qu’il apporte au point que vous avez envie de corriger Yuri Slezkine pour tous les apports à l’humanité de sa race qu’il a oublié dans Le Siècle juif, vous n’êtes qu’une personne lucide. Comme d’habitude.

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Notes

  1. Kamel 2013. ↩︎
  2. La même exposition, ou une ressemblante, semble avoir été aussi exhibée à Berlin en 2010 : Clément Solym, « L’ascendance juive des supers héros exposée à Berlin », Actualitté, 04.05.2010. ↩︎
  3. Et c’est le cas dans le film X-men: Apocalypse. ↩︎

Photo d’entête : « Mardi Gras (41) – 24Feb09, New Orleans (USA) » par philippe leroyer

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