Un livre-redite et une faillite éditoriale

A priori ce premier volume d’une série sur les sources occultes de la philosophie moderne, qui commence par la « conspiration des philosophes », promettait d’être intéressant. Etant le sixième livre de l’auteur, on pouvait donc s’attendre à lire un érudit ayant largement exploré son sujet et ayant eu le temps de l’affiner. Malheureusement, à la lecture de celui-ci, c’est plutôt l’inverse qui domine, et l’impression qu’Alain Pascal a tellement écrit auparavant qu’il ne prend plus la peine de le faire. Ou très mal et avec beaucoup de fautes d’orthographe qui piquent les yeux assez régulièrement, preuve sans doute surtout du manque de professionnalisme des éditions des Cimes qui n’auront pas assuré leur travail de relecture et ne l’auront pas aidé à accoucher d’un ouvrage abouti, comme c’était son rôle.

Ainsi, l’auteur, page après page, multiplie les mentions de passages qu’il a déjà écrits. C’est plus qu’agaçant durant toute la première partie (« Gnose, Kabbale et philosophie moderne »), qui semble une redite plus qu’un résumé d’éléments déjà publiés dans sa précédente quadrilogie, La Guerre des gnoses.1

 On pourrait croire qu’il s’agissait pour l’auteur de bien présenter son sujet pour apporter ensuite du contenu nouveau justifiant un triptyque – La conspiration des philosophes – en plus de la quadrilogie déjà citée, mais ça continue encore dans la deuxième partie (« La théosophie est une pré-philosophie »).2 Arrivé à la moitié de l’ouvrage le lecteur ne sait toujours pas à quoi sert le (début de) projet qu’il a dans les mains.

Des formules comme « nous l’avons exploré dans la Pré-Kabbale et nous allons y revenir » [p. 28n29], « cf. T.I. et nous y reviendrons » [p. 31], « voir la Guerre des gnoses et nous y reviendrons » [p. 44], « nous [raconterons l’histoire secrète de la philosophie grecque] dans un ouvrage consacré à l’Intelligence du christianisme. Nous avons toutefois déjà évoqué le sujet dans la Pré-Kabbale (…) et dans La Renaissance, cette imposture » [p. 60], sont monnaie courante. De sorte que dans ce non-texte, tout s’est toujours dit de manière plus consistante avant, ou sera discuté plus tard, et l’endroit qu’on lit est un lieu presque vide, en tout cas assertif ou allusif. Cette impression persiste sur tout l’ouvrage, comme le montrent des passages à différents endroits : « Moïse n’est pas égyptien mais juif, (voir notre article (…) dans le Libre journal). Il est un prophète de Dieu […] La symbolique de la Bible n’est pas notre sujet présent mais… » [p. 265], etc.

Tout ceci pousse assez rapidement le lecteur à se demander pourquoi Alain Pascal a écrit ce livre – et pourquoi il se lance dans un nouveau cycle – au lieu de reprendre et d’améliorer ses travaux précédents, quitte à redécouper différemment sa série, par exemple en divisant ses tomes précédents en deux pour y apporter plus de contenu, ou rajouter des appendices et annexes avec des extraits de textes. Ici, rien ne paraît complémentaire avec ce qui a déjà été produit depuis 20 ans, sinon superfétatoire, car il n’y a même pas de progression historique. On eût pu penser que La guerre des gnoses eût concerné l’Histoire de ce combat de la gnose contre le catholicisme (ou ce qui deviendra la catholicisme après Jésus) depuis l’Antiquité égyptienne jusqu’au XVIème siècle, et la Conspiration des philosophes, la suite en trois tomes allant du XVIIème au coup d’Etat des Lumières en France, en 1789. Mais ce n’est même pas ça puisque La trahison des initiés, écrite en 2013 et forte de trois éditions augmentées et corrigées, abordaient déjà les XVIIIème et XIXème siècles. Ou alors il faudrait à l’avenir refondre la trilogie de la Conspiration et la Trahison des Initiés en une deuxième quadrilogie allant du XVIIème siècle au XXe, en répartissant patiemment et intelligemment chaque argument dans le bon texte, où cela est développé une fois mais une bonne fois.

Avant cette refonte envisageable, cette écriture pointilliste et fouillie produit des formules comme :

Depuis le début de la Guerre des gnoses, nous rattachons la philosophie moderne à la gnose et à la Kabbale (ce pourquoi nous disons qu’elle est irrationnelle) et étudier Boehme, c’est presque refaire un résumé de nos précédents ouvrages.P. 201

Et c’est exactement ce que ressent le lecteur, malheureusement : il lit le mauvais résumé d’autres textes.

De plus, l’écriture est assez épouvantable et s’il ne pouvait trouver quelques vidéos sur Internet pour voir qui est Alain Pascal3, le lecteur pourrait croire qu’il est en train de lire un adolescent bagarreur écrivant au sein et pour un petit cercle d’amis avec qui il débat en priorité. Par exemple, p. 201 toujours, on peut lire : « notre critique de Boehme apparaîtra à certains (et de nos relations…) comme sacrilège. » Que M. Pascal polémique donc directement avec ses relations, ou qu’ils écrivent des dialogues, mais ces références constantes à des discussions se déroulant hors des pages proposées au lecteur, confèrent la désagréable impression d’avoir été admis, moyennant un prix d’entrée assez élevé, dans un salon privé où des habitués continuent des discussions dans lesquelles on ne compte pas daigner l’intégrer. On peut dire de manière générale, qu’un éditeur correct eût supprimé un bon tiers des parenthèses bêtement polémiques qu’ouvre l’auteur, les trois quarts des points de suspension,4 et demandé de rassembler de nombreuses petites piques ou polémiques (notamment sur les racines juives des socialismes, y compris le national-socialisme)5, au lieu de multiplier les petites escarmouches éparpillées.

Un propos allusif et non-sourcé

Sur le fond, ce n’est pas beaucoup mieux. Très bavard, Alain Pascal se répète inlassablement de chapitre en chapitre et quand un sujet mériterait approfondissement, il reste allusif. Citons comme exemple parmi cent :

Il est normal que nous rattachions aussi l’idéalisme de la Kabbale et que nous en tirions la conséquence sur Descartes, Spinoza, Hegel et donc, par eux, sur le marxisme, mais également sur les sources « juives » du national-socialisme ! Car, après Maître Eckhart, Boehme est un maillon essentiel entre l’ésotérisme juif et le national-socialisme allemand, et le fait semble assez important pour qu’il soit maintenu dans l’obscurité [par les tenants de la version officielle de l’Histoire des idées] !

P. 201

Le propos est assez dur, et tirer un trait direct entre l’ésotérisme juif et le national-socialisme qui mit, entre autres, les Juifs dans des camps de concentration, méritait tout de même un peu d’explications. Une note explique que

Maître Eckhart avait spéculé sur le Dieu caché du Zohar6 et [qu’]il est le précurseur (officiel) de l’idéalisme (donc également du marxisme), mais aussi d’une part de la mythologie du national-socialisme. Ce n’est pas officiel, mais nous l’avons montré (cf. I.K., p. 368). Précisons donc pour certains admirateurs contemporains d’Eckhart que notre critique était amplement justifiée.

Note p. 201

On voit qu’il faut aller lire l’autre livre pour trouver la démonstration7, et que l’auteur se décerne des palmes au lieu de nous résumer cette affirmation de la plus haute importance. De même, l’affirmation voulant que la Kabbale (juive) ait engendré une idéologique anticatholique via la cabale (chrétienne) et la théosophie (chrétienne), eût mérité plus qu’une phrase l’affirmant sans autre forme de procès. A la page suivante, Alain Pascal réitère : « Marx est un héritier de Boehme par l’intermédiaire de Spinoza et d’Hegel » [p. 202]. Prenons la chaine à rebours, Marx => Hegel => Boehme et Spinoza. Certes, Marx s’est inspiré de Hegel mais il l’a critiqué aussi ; quelle part de Hegel est conservée par Marx ? Chez Hegel, quel(s) point(s) de sa philosophie est/sont de Boehme et lesquels de Spinoza ? Si, pour Hegel, ceci n’était bien documenté par Alexander Glenn Magee8, je pourrais bien répéter, pour briller en société, que Lénine, via Marx, était inspiré par la Kabbale lourianique et que nazisme et communisme étaient le Ying (Gog) et le Yang (Magog) qui devaient détruire le vieux monde pour le retour du Machia’h, puis, comme l’annonçait Philippe Muray « la fin du monde a été reportée à une date ultérieure »9, etc. etc. etc., mais je serais assez ennuyé si je devais expliquer en quoi précisément à partir du seul livre d’Alain Pascal. Et, justement, le détail de la Kabbale chez Boehme à Spinoza nous aurait intéressé puisque c’est le sujet de ce chapitre. Or, on apprend que « Spinoza est un disciple de Boehme, qui s’inspire de la Kabbale » [Id.]. On aurait a priori pensé la relation inverse, et en quoi y a-t-il de la Kabbale en Boehme et où se trouveraient des traces de Boehme dans l’Éthique nous n’en saurons rien.

C’est là qu’on remarque un fait énorme qui aurait dû faire refuser le livre par l’éditeur : il n’y a pas une seule citation, en 271 pages, d’aucun auteur discuté ici ! Pour la littérature secondaire, la bibliographie, p. 282, tient en une page pour 24 références, et il n’y a de références précises que pour ces seuls 24 ouvrages de littérature secondaire (hors des précédents livres de l’auteur). Si peu pour traiter d’un aussi important morceau de la philosophie, ça paraît léger. Aussi, plutôt que de répéter des slogans ou de multiplier les renvois à ses autres ouvrages, il eût été préférable d’accorder cette courtoisie au lecteur en citant, et de donner du contenu à un ouvrage qui en manque cruellement, bien qu’on sente qu’il y avait quelque chose d’important et sans doute juste derrière les leitmotivs. Quand on aborde Descartes, Hegel, Spinoza, Boehme, les Rose-Croix, la Kabbale, Saint Thomas d’Aquin, Agrippa, Érasme, etc., citer et fournir une bibliographie est un minimum !

Dans le même ordre d’idée, et ce de manière si répétitive que c’en devient ridicule, tout fier de son courage et de sa clairvoyance, Alain Pascal émaille son texte de considérations, non sans forfanterie, sur l’aspect occulté, par l’Éducation Nationale, l’Université ou les media, de tout ce qu’il écrit là. Une ou quelques pages dans une introduction auraient suffi, pour avertir le lecteur – du moins celui qui ne fait pas partie du cercle d’amis avec qui il brette ici ou là – qu’il va lire quelque chose qu’il n’a pu lire ailleurs, mais que, loin d’être l’œuvre d’un fou ou d’un original tapageur voulant attirer l’attention sur lui, sa foi et ses relations catholiques (éloignées de la doxa républicaine) lui permettent de ne pas être dans le moule épistémologique et idéologique dominant. Expliquant rationnellement les raisons qui poussent les autorités sévissant dans les pays francophones, ceux du lecteur, ce préambule aurait largement suffit, plutôt que cette longue série d’apostrophes un rien puériles. Et aurait permis de supprimer l’ironie ou les points de suspension, voire le cumul des deux10.

Et sans doute sont-ce bien les points de suspension qui illustrent le mieux ce livre, le premier d’une série qu’on lira peut-être dans quelques années, lors de la parution des éditions corrigées, et, surtout, augmentées de citations et de références…

Enfin, sur le style, on ne peut pas ne pas souligner un fait assez frappant des catholiques actuels. Nous avons un auteur qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui se dit traditionnel et n’a que faire du politiquement correct, mais qui s’arrête toujours prudemment sur le bord de la légalité. Or, c’est assez contradictoire pour un auteur qui prétend dire la vérité sans fard et sans peur, et de la part de ce catholique convaincu et (je suppose) retraité (donc peu soumis à la pression d’un emploi à conserver). C’est somme toute assez symptomatique du déclin de l’Église. Au temps des persécutions des premiers chrétiens, ceux-ci risquaient la mort. Au temps de la République Française, le catholique fier de qui il est et de ce qu’il pense, et d’autant plus fier qu’il n’est pas dans l’insulte gratuite mais peut montrer ses preuves, risque des amendes. S’il organise sa propre insolvabilité avec la complicité de sa famille et d’amis, il ne risque plus que la prison, et encore, mettra-t-on un homme âgé sous les barreaux où il deviendrait un exemple médiatique ? Le livre risque d’être interdit ? Soit, ce sera une preuve en acte de la persécution. Qu’il se batte pour ses idées et son droit de publier ce qu’il veut, puisque ses adversaires, si nombreux ont le droit de le faire.

Des croyants qui ont si peur du pouvoir en face d’eux, méritent de voir leurs églises se vider et leur religion être remplacée par celles de leurs adversaires (toujours les mêmes depuis 1789 – d’après l’auteur). La foi doit faire se déplacer les montagnes et les catholiques n’acceptent pas des petits martyrs ?11

Le Vatican contre le monde entièrement judaïsé

Il y a néanmoins de nombreuses choses intéressantes dans cet ouvrage. Certes, ce sont plus des pistes de lecture que des véritables explications mais j’ai découvert des individus dont je n’avais jamais entendu parler comme Simon le Magicien ou Philon d’Alexandrie (qu’Alain Pascal appelle Philon le Juif).12

Je ne sais pas du tout quoi penser de l’importance que confère l’auteur au Judaïsme.13 Pour Alain Pascal, si on synthétise, il semble n’exister que trois grandes civilisations : l’égyptienne, la juive et l’Occident catholique qui résiste à toutes les attaques depuis la mort de Jésus. J’ai trouvé intéressante la catégorie ‘judéo-égyptienne’14 qu’il oppose à l’Occident, donc Rome et l’Église de saint Pierre (seule et unique puisque l’Église de Saint Jean serait un mythe gnostique datant de Simon le Magicien et repris jusqu’aux Francs-maçons en passant par les Rose-Croix). En revanche, je suis assez circonspect quand je lis que la gnose c’est la Kabbale [p. 45]15, les Esséniens, c’est la gnose, donc la Kabbale, que l’Islam n’a pas de culture propre puisque c’est la Kabbale (le Zohar), que le tout le Protestantisme c’est encore la Kabbale,16 que la Renaissance c’est la Kabbale, que même la mystique en Chine et en Inde, c’est encore la Kabbale, que la « théosophie est “juive” » [p. 153], et enfin, puisque la Kabbale est une émanation du Talmud [p. 195]17, que c’est donc l’ensemble du monde qui est sous la coupe idéologique de la Synagogue, celle-ci n’ayant que les seuls Catholiques contre eux – et encore, sans doute le combat semblerait perdu depuis Vatican II.18 Je veux bien discuter du monde musulman,19 qui est plus tardif et s’inscrit dans la continuité des deux religions du Livre antérieures, je veux bien que la plupart des pensées mystiques, depuis Pythagore, viennent de l’Orient, mais réduire la Chine et l’Inde20 aux Juifs m’a paru bien au-delà de ce que toute mon ouverture d’esprit peut accepter. Je crois que je suis encore plus ouvert à l’hypothèse des premiers astronautes, qu’évoque de loin Karl Polanyi lorsqu’il parle de rayon cosmique pouvant expliquer l’apparition des religions à l’« âge axial »21, qu’à celle-ci.

Au niveau politique, pour Alain Pascal, c’est identique, les Francs-maçons sont des gnostiques donc des “idiots utiles” du Talmud, et la république, elle-aussi, étant franc-maçonne, est au service de la Synagogue. Le Nazisme : un golem du Judaïsme ; tout comme le communisme. Pascal n’a pas attribué le capitalisme aux Juifs, comme Werner Sombart ou Jacques Attali, il y aurait pourtant l’occasion de fonder une catégorie ‘judéo-protestante’ pour mettre d’accord Weber et Sombart, en lui opposant les autres Catholiques, Musulmans, et sans doute Hindouistes, Bouddhistes, Jaïns, Taoïstes, Animistes, etc. Mais mettre Musulmans et Chrétiens dans un même ensemble (sur ce rapport à l’économie politique) et montrer que les Évangiles inclinent plutôt à une morale socialiste et/ou anarchiste, ne pourrait que déplaire à Alain Pascal ; d’où le silence sélectif sur la question.

Dans la conception de l’auteur, les Juifs ont une voie rationnelle (la Torah et le Talmud) et une voie irrationnelle (la Kabbale), ce qui est identique dans les trois religions du Livre. Or, seuls les Chrétiens, parce qu’ils ont reconnu Jésus comme seul sauveur et Fils de Dieu, ont une double voie valide. Il suffit à l’auteur de rajouter une majuscule pour le doublet catholique et de dire que les autres sont des imitations fausses. D’autres fois, Alain Pascal laisse entendre que la mystique chrétienne est rationnelle, que les deux voies ne sont donc plus complémentaires mais identiques, et j’avoue ne pas voir compris ces subtilités. Le grand point qui distingue, en tout cas, les Chrétiens des deux autres, serait qu’ils sont dualistes. Il me semblait que les Musulmans aussi sont dualistes,22 et pour les Juifs, je lis des choses assez contradictoires sur le sujet. En tout cas, nulle part Pascal ne s’arrête pour démontrer en quoi les conceptions catholiques sont justes, quand toutes les autres, même les protestantes, sont fausses. Il lui suffit de rajouter une majuscule aux termes lorsqu’il les entend dans un sens chrétien, de décréter sourdement qu’un mot avec une majuscule dénote une vérité, et le tour est joué.

Les conceptions du Judaïsme – qu’Alain Pascal semble ne pas connaître correctement – ne sont pas très claires non plus. Tantôt il semble souligner la continuité du Judaïsme depuis Moïse jusqu’à la Kabbale du XVIème siècle, tantôt il semble opérer des coupures, et notamment entre un Judaïsme de l’Ancien Testament dévoyé par les Pharisiens, d’une part, et les Talmuds et les Kabbales, d’autre part23. Les vrais Juifs seraient donc orphelins de leur propre religion, et il y aurait ainsi deux Judaïsmes, dont un perdu24, la vraie part du Judaïsme étant sauvegardée via l’Ancien Testament des Catholiques. (J’extrapole un peu en continuant la logique de l’auteur, qui ne l’exprime telle quelle.) Cela mériterait d’être expliqué par des auteurs qui maitrisent mieux le sujet.

Un point toutefois, m’a semblé juste est intéressant, celui qui distingue des degrés de complexité dans les vérités enseignées par la doctrine catholique, et qui diffère des doctrines ésotériques et de la gnose. Dans la première, tout est transparent, rien ne s’apprend peu à peu dans une initiation secrète et individuelle, même si certaines vérités se présentent de manière plus ou moins accessibles aux fidèles et sont donc réservées aux gens formés, les clercs. J’ai fait l’analogie avec les mathématiques : il faut bien connaître les notions fondamentales pour accéder à des niveaux plus ardus, il y a un apprentissage nécessaire, mais aucun livre de mathématique n’est caché et révélé peu à peu en temps voulu. Ils sont même en vente libre. Il n’y a pas d’initiation réservée à une seule élite cachée, même si les mathématiques, alliées à la biologie ou la chimie, permettent de réaliser des choses que des êtres humains auraient considéré, il y a trente ans à peine, comme de la magie. Il y a bien un apprentissage, une initiation, si on veut, mais – si le bon sens est la chose la plus partagée pour Descartes et que même l’esclave du Ménon de Platon peut résoudre des problèmes géométriques – on est dans un tout ordre de situations que le cadre de sociétés secrètes qui font cheminer des êtres séparés des autres, et surtout du reste de l’humanité, pour les mener dans un méandre ou tout symbole peut s’inverser ou prendre plusieurs significations.

 Conclusion

Au final de cette lecture aussi stimulante qu’agaçante, j’ai donc noté des noms et des slogans et ai compris qu’il me faudrait aller voir ailleurs pour trouver des ressources permettant de juger de la valeur des idées jetées à l’emporte-pièce et dans un propos un peu trop chaleureux et bagarreur pour pouvoir susciter l’adhésion. Alain Pascal m’a néanmoins conforté dans l’idée que je devais lire Paracelse pour comprendre ce que je cherchais Polanyi dans ses notes de lecture sur la ‘médecine’. Ainsi que Boehme et les rosicruciens pour comprendre tant Hegel qu’éventuellement Hamlet : Rosencrantz, n’est-ce pas un rosicrucien ou du moins un pré-rosicrucien ; comme Guildenstern, n’est-ce pas l’« étoile de la guilde » et représentant de quelque chose qui préparait la Franc-maçonnerie du XVIIIème siècle ? Puis enfin, même si c’est un gros morceau, la Kabbale pour comprendre Spinoza donc Hegel, le Hegel théologique (celui qui inspire Polanyi) comme le vieil Hegel, voire les parents de Polanyi. Du travail, et pas sûr qu’il croise à nouveau les textes d’Alain Pascal.

Notes

  1. Feuilletons le livre dès le début de cette première partie : p. 27 (on trouve un renvoi à un autre de ses livres), p. 28 (2), 29 (1), 32 (1), 35 (4), 42 (1), 44 (2), 45 (2), 49 (2), 52 (5), 54 (1), 55 (5), 59 (1), 60 (2), 63 (2), 65 (1), 68 (1), 71 (2), 72 (4), 73 (1), 75 (5), ad nauseam. ↩︎
  2. Continuons de feuilleter : 149 – première page de la deuxième partie – (1 renvoi), 150 (2), 151 (1), 152 (2), 154 (1), 155 (1)… C’est pareil. ↩︎
  3. J’ai moi-même vu des vidéos avant de faire l’acquisition d’un livre à plus de 20 € d’un auteur que je ne connaissais pas, et il m’avait fait bonne impression. ↩︎
  4. Un exemple pris au hasard : « le rabbin Maïmonide est le premier juif à trahir Dieu (pas le dernier…) » [p. 89], « dès le premier siècle les mages sont devenus ennemis irréductibles du Christ (…). Donc de nos jours leurs héritiers… » [p. 140] ; « et le mot sabbat désigne une certaine communauté… » [p. 142] (trois notes sur quatre terminent par des points de suspensions suggestifs sur cette page) ; idem dans tout l’ouvrage. ↩︎
  5. « Le socialisme, [est un] collectivisme qui ne remonte pas à la Nouvelle Kabbale du XVIe siècle, ni d’ailleurs à la Kabbale du XIIe, mais au Talmud. Nous en tirons simplement la conséquence, à savoir que le socialisme est une philosophie politique d’origine « juive » et non pas chrétienne, orientale et non pas occidentale » [p. 203]. Alain Pascal dit que « les talmudistes et les kabbalistes sont responsables des crimes communistes, mais aussi de ceux commis par les nationaux-socialistes allemands, les eussent-ils perpétrés contre les juifs. C’est le propre des golems ! » Malheureusement, cette « route du Talmud aux deux socialismes » est expliquée dans deux autres livres… ↩︎
  6. Où ? dans quel contexte, ? où revient-on substantiellement sur Maître Eckhart dans l’ouvrage pour qu’on comprenne un peu mieux ce qui n’est ici qu’allusif ? ↩︎
  7. Au fond, ce sixième livre ne devrait-il pas être gratuit, s’il ne sert que de publicité pour tous les autres ? ↩︎
  8. [2001] Hegel and the Hermetic Tradition, Cornell University Press, 257 p. ↩︎
  9. Comme d’habitude, sauf que cette fois-ci entre le réchauffement climatique, la fin du pétrole et la Troisième Guerre Mondiale entre les Bons et l’Iran, on est finis ! Sur la référence à Muray, cf. Festivus Festivus, VII. ↩︎
  10. Un exemple : « Boehme (… est) l’un des fondateurs de la philosophie moderne, ce qu’aucun lecteur de l’histoire officielle n’ignore évidemment… » [p. 196-197]. ↩︎
  11. De même, je dois dire que je n’ai trouvé sur Internet aucun site catholique – peut-être ai-je mal cherché – recensant l’ouvrage d’Alain Pascal. Beaucoup d’images de chevaliers défendant leur culture et leur pays, beaucoup de vidéos de Radio Courtoisie ou d’autres cercles catholiques, mais d’avis circonstanciés écrits par des catholiques (“libéraux” ou traditionalistes, qu’importe) sur ce livre d’un des leurs, je n’en ai vu aucun. La chevalerie et la défense des valeurs assiégées, ça pourrait commencer par recréer du débat et de la pensée catholique. Je n’ai trouvé que la recension de Patrick Roux sur Amazon, qui est assez critique sur le livre et relève des erreurs. J’avais moi-même sursauté en lisant que le Talmud codifiait la magie [p. 139 et 144], là où Max Weber reconnaît justement aux Juifs d’avoir les premiers écartés la magie du monde terrestre et permis la science moderne. ↩︎
  12. Certes, les deux auteurs sont Juifs. ↩︎
  13. A le lire, j’ai pensé à cette histoire du Juif qui désespère des siens et a le moral au plus bas et qui, pour se le remonter, va lire des écrits antijuifs où on lui apprend que sa race/religion/pays possède les banques, les politiciens, les journaux, est derrière toute la philosophie, est le moteur de l’Histoire, etc. et au lieu d’effrayer de cette littérature à charge, s’en voit ravi. ↩︎
  14. Bien plus juste que le fallacieux ‘judéo-chrétien’ inventé dans les années 1970 pour des raisons politiques qui font de l’Islam l’adversaire commun. Étonnamment, Pascal ne revient pas sur les Égyptiens, alors qu’après tout, puisqu’on sait que les textes de la Torah sont aussi des textes politiques écrits contre les Égyptiens et se servant des cosmologies de Babylone et Sumer pour les réécrire de manière plus arrangeante, jamais Alain Pascal n’envisage que l’Égypte se soit servie des juifs comme d’abeilles devant aller polliniser culturellement d’autres peuples et véhiculer leurs idées, les chassant de leur pays et se cachant derrière eux, Moïse n’étant qu’un agent de Pharaon, un Akhenaton prônant un dieu unique appelé Yahvé. Puisqu’on ne peut pas dater l’exode narré dans le deuxième livre de la Torah, pourquoi ne pas imaginer que le peuple mythique des “Hébreux” (là encore rien n’est très clair) ait été une secte monothéiste égyptienne chassée et donc que le judaïsme ne soit qu’une branche monothéiste de l’Égypte, bref que le monde actuel soit Egyptien plutôt que Juif, le dieu Soleil se servant des sionistes actuels pour ses plans eschatologiques ? Si la catégorie ‘judéo-égyptien’ (qu’Alain Pascal dénomme aussi ‘oriental’ pour l’opposer à l’Occident, donc au catholicisme) est intéressante, pourquoi Pascal oublie-t-il la moitié égyptienne ? ↩︎
  15. A d’autres endroits il dit que la gnose a préparé les esprits à l’acceptation de la Kabbale [p. 90-91], semblant donc dire qu’elles sont deux traditions différentes. ↩︎
  16. La catégorie ‘judéo-protestant’ (ces derniers à qui A. Pascal ne reconnaît pas d’être un Christianisme) est intéressante, notamment lorsqu’on pense aux calvinistes. ↩︎
  17. On a pourtant vu, notamment avec Les livres de Jákob d’Olga Tokarczuk, sur le frankisme, que Talmudistes et Kabbalistes s’opposaient férocement au XVIIIème siècle. Qu’aujourd’hui la Kabbale l’ait emporté sur les Talmudistes est une chose, comme la gnose franc-maçonne l’a emporté sur la tradition catholique, mais prétendre que la gnose kabbalistique provient du Talmud est plus que douteux. Il aurait fallu faire une vraie analyse et non pas uniquement une série de slogans répétés. ↩︎
  18. J’infère cette position d’Alain Pascal, logique quand on lit, mais qu’il n’aborde pas dans le livre. ↩︎
  19. Bien qu’Alain Pascal soit outrancier jusqu’au ridicule lorsqu’il prétend que l’Islam n’est qu’une religion talmudique [p. 85] ou que les Arabes n’ont pas de culture. ↩︎
  20. Encore une fois, pourquoi Sumer et Babylone ont-elles disparues et comment ? On ne parle pas des Mayas, des Incas, des Africains, ou des Indiens d’Amérique qui n’ont rien laissé à l’Histoire, ni même des religions païennes nordiques ou celtiques… Alain Pascal n’évoque jamais, non plus, l’Empire romain païen/chrétien. ↩︎
  21. Abraham Rotstein, « Notes de fin de semaine II », Religion du monde, 35 ; 5 mai 1956. C’est néanmoins la seule fois, à ma connaissance, que Karl Polanyi évoque cette idée. ↩︎
  22. Ils critiquent la trinité chrétienne, assimilée à une forme subtile de polythéisme, sans parler de la Vierge Marie et du culte des saints. ↩︎
  23. Étonnamment, sauf erreur de ma part, Alain Pascal n’écrit pas une seule fois le mot ‘Sionisme’ même lorsqu’il parle du XXe siècle. Où le situerait-il, comme le stade final du Judaïsme ou comme une hérésie ? ↩︎
  24. Mais à partir de quand ? Le Talmud est écrit vers le IVème siècle et les Pharisiens qui s’opposent à Jésus ne seraient déjà plus les dignes successeurs de David et Salomon. ↩︎

Photo d’entête : “Altar 1” par theneonheart

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