Dans sa présentation du Royaume du Saint-Esprit [Reich des heiligen Geistes], publié en 1955, en allemand, le préfacier, Alfons Rosenberg, écrit :

Joachim se trouve pour ainsi dire à la frontière entre deux époques – il se contemple la piété théocentrique du début du Moyen Âge et, en même temps, en regardant vers l’avenir, il est involontairement un co-créateur du subjectivisme gothique. Mais en fait, son intérêt est plus dans l’individu. Car il sait que l’individu est en sécurité, quand le sens et le rythme de l’ensemble sont trouvés. On trouve un autre parallèle avec le mysticisme cabalistique de la doctrine du Zohar.5) En tant que figure symbolique, la Shekhina est l’“Épouse de Dieu”, son esprit envoyé pour habiter le monde – sa doxa et sa gloire, qui, selon la tradition juive, aurait jadis eu sa demeure donnée par Dieu sur l’arche sainte du Temple de Jérusalem. Mais avec la destruction du Temple, elle a été poussée à l’exil, et depuis lors la gloire de Dieu, Shekhina, erre parmi les nations, sans qu’une nation lui ait donné un foyer. Mais là où habite Shekhina, Dieu lui-même habite sous la forme de sa gloire. Certes, l’Esprit Saint n’est pas simplement identique à la Shekhina – mais il est lui aussi ce qui « procède » de Dieu et est destiné à travailler dans le monde et à « habiter avec les enfants des hommes ».

Rosenburg 1955, 32-33 (traduction de l’allemand)

5) Le chercheur en Kabbale G. Scholem, a également remarqué le parallèle surprenant entre la doctrine triennale de Joachim et les enseignements de la Kabbale de l’époque. Dans son livre Les grands courants de la mystique juive, il les décrit comme une forme de spéculation très populaire chez les kabbalistes du 13ème siècle, à savoir l’idée de périodes successives de développement cosmique, chacune d’elles durant 7000 ans … jusqu’à ce que le processus mondial, dans le 50 000e anniversaire, le Grand Jubilé, revienne à sa source. Cette théorie a été exposée pour la première fois dans le Livre de la Temunah (vers 1250 !), sous la forme d’une interprétation énergiquement mystique des 22 lettres de l’alphabet hébreu, et était basée sur une nouvelle interprétation des règles bibliques pour l’année sabbatique et l’année jubilaire, dans laquelle toutes choses retournent à leur propriétaire. Pour les kabbalistes catalans, ces règles n’étaient rien d’autre que des représentations symboliques des étapes du processus par lequel toute chose s’éloigne de Dieu et retourne à Lui. . . En fait, on pensait que la Torah serait lue de différentes manières à différentes époques, mais sans changer son contenu littéral en tant que nom secret de Dieu, c’est-à-dire sans changer sa capacité à révéler plus d’un sens. Selon le Livre de la Temunah, la période qui vient de se terminer était celle du Jugement strict, c’est-à-dire dominée par la séphira de l’attribut divin de la sévérité : par conséquent, il y a maintenant des commandements et des interdictions, des choses pures et impures, des matières sacrées et prophétiques : tout cela en accord avec la lecture actuelle de la Torah. Mais dans l’éon à venir, le prochain Schemittah (période mondiale), la Torah ne contiendra plus d’interdictions, la puissance du mal sera apprivoisée, bref, l’utopie se réalisera enfin. Il est difficile d’éviter ici l’impression que nous avons affaire à un parallèle juif indépendant avec les enseignements de Joachim de Fiore, concernant les trois âges correspondant aux trois figures de la Trinité chrétienne… Par une étrange coïncidence, la doctrine de Shemittah a été codifiée presque en même temps à Gérone. Il n’y a pas de preuve d’un lien historique direct entre les deux, et une telle notion a peu de probabilité… Néanmoins, il reste un fait remarquable que dans les deux enseignements, les diverses manifestations de la Déité … la Trinité, comme les Séphirot, apparaissent comme les principes successifs d’une entité cosmique particulière, un éon.

n5, p. 149 (traduction de l’allemand)

Photo d’entête : “Kabbalah” par new 1lluminati

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