Dans La Connaissance inutile, Revel s’interrogeait déjà : à travers l’enfermement généralisé, caractéristique d’après Foucault de nos sociétés libérales, avec les écoles, les casernes, les prisons ou les hôpitaux psychiatriques, l’auteur de Surveiller et punir ne décrit-il pas « en réalité une autre société, une société qui le fascine, mais qu’il ne nomme pas : la société communiste » ? Une société où, au moment où parait ce livre brillant, en 1975, l’on connaît l’embrigadement éducatif depuis le plus jeune âge, le service militaire le plus long de la planète, l’internement de dissidents que l’on fait passer pour des fous, la condamnation d’innocents à des camps de travaux forcés, l’interdiction faite à la population de se déplacer dans son propre pays sans passeport intérieur, l’impossibilité de choisir son lieu de résidence et, bien sûr, de franchir les frontières sauf prérogatives spéciales et visas rarissimes. Mais Revel commet une erreur lorsqu’il affirme que Foucault « n’a jamais été ni communiste, ni  sympathisant, ni même marxiste. » Foucault a été membre du PCF de 1950 à 1953. Didier Eribon analyse ainsi cet engagement, relativement court vu le contexte de l’époque : « C’est sans doute à cause de son homosexualité qu’il n’est pas entré plus tôt au Parti communiste, à cause de son homosexualité qu’il n’y est pas resté plus longtemps, et à cause de son homosexualité qu’il s’y est senti mal à l’aise pendant qu’il y était. »

[Michel Foucault et ses contemporains, Paris, Fayard, 1994] (Pierre Boncenne, Pour Jean-François Revel, p. 221-222)

Dans Le Regain démocratique, Jean-François Revel se souvient d’avoir participé, en 1977, à un entretien sur les hôpitaux psychiatriques « spéciaux » de l’URSS qui réunissait, notamment, Michel Foucault, Raymond Aron, Eugène Ionesco et Vladimir Boukovski : « A un moment de la conversation, Michel Foucault, sans doute excédé par les analyses répétées du système concentrationnaire soviétique, de “l’enfermement” dans la société communiste (la seule caractérisée de haut en bas et de long en large par “l’enfermement” foucaltien), se mit à exploser en vociférant qu’il nous fallait aussi organiser la lutte contre le “goulag occidental”. C’était d’un goût parfait en présence du participant qui sortait tout juste du vrai goulag, Boukovski, lequel fut saisi d’une crise de fou rire. »

Pierre Boncenne, Pour Jean-François Revel, p. 220-221

Les pages qui suivent sont aussi intéressantes, mais enfin, on ne peut pas tout citer. Le mieux est encore d’inciter le lecteur à lire Jean-François Revel, à le comprendre et à reprendre son œuvre, ce qui est le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre !

Photo d’entête : “Old Mouse trap” par Clément Livolsi

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