Sommaire
Emmanuel Martin, Vincent Courtillot, Claude Allègre, Jean-Michel Belouve, Bjørn Lomborg, et j’en passe sont des emmerdeurs ! Je viens d’assister à une conférence du premier de ceux-là qui détruisent nos quelques fictions unificatrices en dénonçant la propagande du GIEC ou rappelant l’existence du Climate Gate, et je suis furax ! Pourquoi leur faut-il proclamer que le GIEC a bidonné des courbes depuis des années1, falsifié plus ou moins volontairement les rapports qu’il offrait aux décideurs politiques (qui les financent), fait régner une Inquisition sur le monde scientifico-mystique dont n’oserait pas s’inspirer un Ahmadinejad ou quelconque théocratie moderne ? Si pendant un beau spectacle de magie, quelque importun venait commenter les tours et révéler en même temps le tour de passe-passe qui permet l’illusion, vous n’auriez pas envie de l’expulser de la salle, parce qu’il vous gâche votre plaisir ? Je me calme et vais tenter de leur expliquer pourquoi ils doivent faire comme tout le monde et prendre parti de ces doux mensonges qu’on nous sert dans les journaux, et qui sont au bénéfice de tous. Si après ça, ils ont encore le toupet de la ramener, ce sont définitivement des ennemis de l’Humanité ou d’irréductibles casses-couilles goulagables que nous amènerons bien à faire sacrifier au culte du grand Al Goro-gourou.
L’avantage commercial et reproductif d’être un « sauveur de la Terre »
Que les scientifiques aient besoin d’alarmer l’opinion publique pour que les décideurs, qui sont à l’écoute électoraliste de celle-ci, les financent ; que ces seconds aient besoin de moments historiques et de graves décisions à prendre pour pouvoir se faire des destins légendaires ; que les médias fassent leurs choux gras des agitations des uns et des autres outre les peoples, les marronniers et les quelques causes quotidiennes qui donne à chaque jour sa petite coloration éthique particulière – très bien. Nous autres mâles, nous sommes adaptés à cet environnement idéologique et nous y gagnons aussi. Nous pouvons présenter par mimétisme à des jeunes filles encore volontiers impressionnables, cette figure d’homme responsable, éclairé, altruiste jusqu’au point d’aider des générations qui n’existent pas encore, parfois savant quand l’un de nous arrive à reproduire à peu près correctement un discours scientifique lu ou entendu par-ci par-là sans mélanger trou de la couche d’ozone et effet de serre comme un certain président français, bref un parfait visage de « sauveur de la Terre » qui va dans le sens de l’Histoire, propre à les attendrir et prompte à nous aider à les conduire par tant de gage d’humanité à venir réchauffer le climat de notre lit. Ça fait son effet, sa sert, on peut en serrer plus d’une avec ça. Et ça ne coûte que de la salive, un peu de gestes de la main et quelques froncements de sourcils – pas même besoin d’alcool en grande quantité pour finir par emballer quelques loques abruties en fin de soirée. Les plus doués savent même passer du philosophe désabusé qui devise sur la nature humaine et la place de l’Homme dans la Nature, au prophète scientiste rassembleur philanthrope et généreux. En plus les JMJ n’étant plus aussi chaleureuses depuis BXVI qu’elles l’étaient sous JPII – et le rôle du bon père de famille chrétien n’apporte pas assez de débouchés (que des coincées, souvent) -, l’engagement politique n’étant plus à la mode des substituts de héroïsmes pour militants de temps de paix, pourquoi nous enlever la possibilité de ce hérocoloïsme bienvenu ?
La quatrième blessure narcissique et l’absence d’« utopie de rechange »
Vous nous dites que le pourcentage des facteurs anthropiques qui expliqueraient le réchauffement est très faible, sinon nul. La Terre n’est plus au centre de l’Univers, l’Homme n’est que le plus développé des animaux, une partie de son moi serait inconscient au point de lui échapper en grande partie ; on avait enfin trouvé une grandeur dans le fait d’être capables par notre seule activité de détruire la Terre … et voilà que même ça, vous l’enlevez à l’Homme ! On n’a même plus le prolétariat exotique du Tiers-Monde à sauver puisque la mondialisation s’avère finalement bénéfique pour tout le monde bien qu’à des degrés différents, quand la corruption politique ne vient pas s’y mêler. Plus d’Histoire à créer dans de grands desseins hegelo-marxistes qui nous donnaient une place dans le grand schéma de la réalité. Plus de religions grandioses, leurs anathèmes, leurs querelles doctrinales et quelques anathèmes parfois agrémentés d’un bûcher pour éclairer le tout. A peine quelques ersatz de guerres civilisationnelles avec quelques « farces » singeant les croisades et la colonisation pétrolière… L’Occident s’ennuyait dans un marasme psychologique de Fin de l’Histoire, on n’avait plus envie de coloniser ni de taper sur qui que ce soit, et voilà qu’on nous a mis dans les mains une Cause mondiale, rassembleuse, plus sympathique (et plus durable) que le sida ou la grippe A qui fleurent mauvais l’odeur d’éther, les couloirs glauques du monde médical et sa faune de pathologies peu ragoutantes… L’aubaine, quoi ! Vous nous dites aussi que le protectionnisme déguisé que les mécanismes de fiscalisation vertes organisent, risquent d’appauvrir les pays en voie de développement qui n’ont pas la possibilité de produire « vert ». Qu’en gros on leur payera d’une main une « dette climatique » qu’on leur reprendra de l’autre main en leur vendant des articles qu’ils ne produiront pas faute de pouvoir les écouler dans nos marchés – barrière climatique oblige -, alors qu’en même temps nous continuerons le bon protectionnisme agricole qui est en place depuis des décennies déjà. Et ? Qu’est-ce que ça peut foutre ? On mangera des bols de riz dans quelques années dans les écoles pour se mortifier l’âme le temps d’un ascétisme de quelques minutes, on fera des grands concerts avec le beau Bono où nous pourrons tous communier dans une grande liesse à la gloire de notre générosité. Ça sera fraternel, organisé politiquement, artistiquement vendeur, et nous pourrons tous nous toucher les uns les autres par tant de bienveillance collective. Happiness as usual. Pourquoi nous priver de toute cette joie compassionnelle pour quelques êtres humains qu’il est plus doux de maintenir dans cet état de dépendance politique et de venir aider par à-coups fiévreux et festifs ? Pourquoi ne pas reconnaître que toutes ces partouzes émotionnelles sont de bien meilleurs défouloires que la guerre ? De votre côté, tristes libéraux et libres penseurs qui croyez à la liberté et à la science, c’est-à-dire à la vérité non politiquement dictée, que nous ont livré vos idées depuis la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Eldorado rouge soviétique ? Rien que des préceptes de responsabilité, d’individualisme, des petites vies d’honnêtes hommes. Une utopie s’est effondrée et vôtre doux commerce n’a pas le charme de l’horreur politique. Où sont le tragique, le sang, les larmes, la haine, le Destin et la violence fascinante des grandes épopées militaires ? Aujourd’hui on bombarde chirurgicalement, et on s’excite parce qu’un joueur de foot a fait un contrôle de la main pour quelques orages tribaux qui ne sont que pauvres opiums pour peuples fades et qu’aucun intellectuel n’est capable de sniffer assez pour sortir de cette tourbe de grands écrits. La Terre ne se réchauffe pas, mais c’est tellement chouette de décharger toute notre besoin de grandeur dans cet adversité coopérative avec la Planète-Terre, à son chevet, à son secours, dans la maitrise parfaite de la Science et de la technologie, cette belle ingénierie environnementale et sociale dont nous sommes capables, bâtisseurs d’avenirs en plans décennaux. Alors merde, vous ne comprenez pas que nul n’a intérêt à vous écouter, messieurs ? Qu’on patauge joyeusement dans toutes cette mascarade volontaire et que tant que la dette des Etats ne nous explose pas à la figure, on s’en contenterait bien ? Alors, ayez la gentillesse de nous laisser faire nos petites affaires et d’avoir la délicatesse de vous taire pendant qu’on se fait plaisir.
[Texte initialement publié dans La catallaxine, le 26 novembre 2009]
Note
- Il le reconnait d’ailleurs, ainsi que diverses manipulations, omissions, trucages, contrôle ou ostracisme des revues allant à l’encontre des thèses officielles, ce n’est plus vraiment un enjeu de débat. ↩︎