Ce n’est pas un tremblement de terre qui a fait disparaitre ces dinosaures

Depuis combien de temps se dit-on dans les alcôves feutrées du Pouvoir que l’empilement des entités administratives en France est une aberration, que les 36 000 communes françaises auxquelles s’accrochent les élus locaux comme des naufragés à un radeau de fortune, sont des survivances inutiles sinon sclérosantes pour certains projets ? 20 ans ? 30 ans ? Plus ? (Conseils de quartiers), Commune, Communauté urbaine / communautés de communes / intercommunalité / Métropole1, Département, Région, Nation, Europe, institutions planétaires2. Un citoyen français n’a ainsi pas moins de 7 ou 8 échelons auxquels il peut appartenir de facto selon sa situation géographique : soit plein de choix pour créer son identité et le paradis pour les querelles qui en découlent, comme ces rivalités entre aixois et marseillais3 − qui disparaissent lorsqu’il faut montrer que les Bouches-du-Rhône valent mieux que tous les départements de PACA confondus, elle-même meilleure que toutes les régions … disons du monde puisqu’on a compris la logique. Voilà pour la côté positif et pittoresque de l’irrationalité française. C’est pourtant un problème pour tous les quémandeurs de subventions obligés de se professionnaliser pour avoir le temps d’aller taper à toutes les portes ouvertes de 14h à 16h les semaines paires, pour les financeurs et les chefs de projet : comment s’en sortir dans le labyrinthe administratif, devant face aux multiples doublons administratifs, les querelles d’attributions budgétaires que la décentralisation de Raffarin n’a pas totalement réglées ? Le paysage français ressemble à un grand champ de plaques tectoniques superposées et mal ajustées, pourtant incapable de produire en son sein la moindre secousse dans le système, mais un tsunami de paperasse et de gabegies aux répliques incessantes. Et comment ceux dont les amis politiques vivent sur les branches de cet arbre pourraient prendre la décision de sacrifier les postes des uns ou des autres ?, sachant qu’en plus chacun est persuadé d’être totalement in-dis-pen-sable à la bonne marche du pays ou d’avoir un droit inaliénable à occuper un poste honorifique quelconque pour les besoins de sa carrière ou de sa retraite. Il faut simplifier, certes, mais les autres d’abord !

La révolution de la lavande

Alors c’est peut-être à nous de faire changer les choses. La révolution pacifique est à la mode, franchisons-la. L’idée est simple : en dessous d’un taux de participation de quelle importance, une institution perd-elle toute légitimité ? 20 % 30 % Plus ? Sans doute que des scores ridicules aideraient les décideurs de ce pays, aux lendemains de tours électoraux oubliés, auraient ainsi plus de facilité d’aller demander à certains petits seigneurs locaux d’abandonner leur charge, puisque d’apparence celle-ci a révélé son inutilité aux yeux des Français. On n’aurait même pas à dormir dans la rue pour faire bouger des décennies d’immobilisme. Pendant ce temps-là on irait jouer aux boules, on profiterait de la vie, et comme les journaux aiment bien mettre des noms et des logos à l’actualité, on appellerait cela la révolution de lavande, après les œillets et le jasmin. Et puis ça ferait parler de la région autrement que pour les grèves au port de Marseille, ou les magouilles du PS local. Au lieu de perdre notre temps dans l’isoloir ou d’écouter à la télé les soirées “les Français-nous-ont-envoyé-un-message-clair”, on se réunirait tous au Stade Vélodrome, notre place Tharir à nous, on mettrait trois buts aux parisiens pour se venger des deux pris au Parc et on se rapprocherait d’un nouveau titre de champion de France. Au second tour on fusionnerait notre attaque avec le PSG pour aller battre Manchester4 ou le Real de l’année prochaine en Ligue des Champions et on gagnerait. Ce serait le bonheur ! Alors c’est décidé, moi aujourd’hui je profite du soleil et je vote pour l’OM ! Surtout sans Brandao.

[Texte initialement publié dans La Catallaxine, le 20 mars 2011]

Notes

  1. Faudrait-il rajouter encore à cette liste les pays traditionnels, les bassins de vie et/ou bassins d’emplois qui forment une certaine unité cohérente sans forcément entrer dans telle ou telle case administrative ? Peut-être, mais n’ouvrons par contre pas la boite de Pandore des cigles à foison, les SIVOM, les SIVU, et autres Epad que ne connaissent que les initiés (hors scandales ponctuels), sous peine de se mettre le moral à zéro. ↩︎
  2. Liste ne prenant en compte que les seuls échelons politiques, restent encore toutes les autres administrations (emplois, culture, agriculture, urbanisme, développement, etc. ad nauseam) qui ne rentrent pas dans ces cases. ↩︎
  3. Vu que les seconds n’acceptent pas l’irréfutable supériorité des premiers (y compris de leurs boites de nuit, comme le Mistral) et que les élus locaux de ceux-ci n’ont pas envie d’être administrativement mangés par un Grand pays de Marseille qui les engloberait. ↩︎
  4. Qui a crié « ouh ah cantonales ! », là-bas au fond ? ↩︎

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