Depuis le 1er janvier 2018, l’Etat fédéral allemand inflige de lourdes amendes aux réseaux sociaux qui n’effacent pas les “propos haineux”, comme on peut le lire dans de nombreux journaux et notamment dans un article de RFI.
Notons deux points intéressants pour l’Etat, dans ce dispositif.
D’une part, il oblige ces entreprises privées à maintenir une police de la pensée féroce, si elles ne veulent pas être condamnées. Et ce faisant, tout en les transformant en petits flics, il peut se laver les mains de cette répression, pendant que le petit peuple en voudra à ces entreprises craintives plutôt qu’à l’Etat qui les incite fortement à censurer tout propos hors de la ligne dictée.
D’autre part, qu’est-ce que cette ligne ? Et, en négatif, qu’est-ce qu’un propos “haineux” ? Toute forme de rejet d’une idée ou d’une personne, est-il condamnable ? Est-ce l’absence d’argumentation qui est seulement condamnable ? Très souvent, les jugements rendus en faveur de tel ou tel groupe de pression communautaire, tend à montrer que même une vérité – ou, disons, des raisons argumentées – qui révèle quelque chose de scandaleux, est assimilé à un discours de haine. Ne serait-ce que par précaution s’il pouvait générer de la haine ou de la colère chez le lecteur qui réagit fortement à ce qu’il estime intolérable. Ainsi, la définition de ce qu’est un propos haineux restant vaporeuse et à l’appréciation du juge, règne l’arbitraire le plus complet. Et du coup un propos haineux ce peut être n’importe quel propos qui n’est pas dans la ligne, ligne qui, rappelons-le n’est pas elle-même définie. Il faut donc, comme dans n’importe quel régime totalitaire, écouter ce que disent les membres du Pouvoir et les gens “autorisés” et dire comme eux ; et s’ils changent d’avis, changer d’avis en même temps qu’eux, ni avant, ni après. On consultera l’histoire de l’URSS pour savoir comment cela a fonctionné au XXe siècle et, si l’Homme reste l’Homme, comment ça continuera à l’être – mais avec des outils technologiques à en faire baver de jalousie les agents de la Stasi – au XXIème siècle.
Pour en revenir aux réseaux sociaux, ce climat d’incertitude les poussent donc non seulement à être des agents de police, mais des agents de police zélés, coupant à la machette tout ce qui ne va pas dans le bon sens. Car il ne s’agira pas de tout couper, mais de regarder quel groupe de pression attaque et qui gagne ses procès et d’accompagner le mouvement créer par les premiers et la justice. Il sera donc toujours permis de critiquer telle ou telle personne, ou tel ou tel groupe, cela sera même nécessaire que les gens aient un bouc-émissaire ((Ce qu’à bien compris, comme René Girard, George Orwell, qui savait que tout régime a besoin d’un ennemi fédérateur, et ce à quoi joue le personnage de Goldstein, bien qu’il fasse partie du système lui-même. Ce qu’Orwell aurait aussi pu lire dans Carl Schmitt et sa « notion de politique », pour qui il faut nécessairement déclarer un “ennemi”. Dans les sociétés du spectacle et les sociétés de consommation, ce sera un défouloir ou une grande cause dans laquelle plein de petits riens pourront s’imaginer être des soldats du futur, comme avec le techno-messianisme du réchauffement climatique.)) et qu’ils se défoulent.
La prochaine étape sera de demander aux enfants à la merci des agents de l’Education Nationale d’apprendre la bonne parole républicaine à leurs parents, et en cas d’échec de les dénoncer. Il suffira donc de les récompenser en les plaçant loin de ces derniers, de les placer dans des centres où avec un peu de chance ils comprendront comment fonctionne l’élite et comment on avance plus vite en baissant son pantalon et en entrant dans des ententes secrètes, pour assurer leur élévation dans cet ordre républicain.
(Pour ceux qui n’ont toujours pas compris que les réseaux sociaux servent surtout à abrutir, divertir bêtement et fliquer les gens…)
Photo d’entête : extrait de “Surveillance” par Ashley