J’ai toujours trouvé assez mauvaise la pièce d’Ionesco, Rhinocéros. J’ai, certes, ri à certains passages, notamment lorsqu’il se moquait de la logique formelle, mais je trouvais cette idée de gens qui se transforment en rhinocéros sans crier gare, comme ça, le temps qu’il faut à un grain de maïs pour devenir un pop-corn, sans doute efficace et impactant au théâtre mais assez risible sur le fond. Ayant en tête que la transformation en rhinocéros était un symbole de la conversion idéologique au Fascisme1, je reprochais à Ionesco son simplisme, et une façon assez lâche de contourner l’obstacle. Car il ne s’agit pas simplement de constater qu’un individu est devenu “Fasciste”, il s’agit de comprendre comment peu à peu, il bascule, comment il y est parvenu et quels ont été les événements qui l’ont conduit à adopter cette position. Et, d’ailleurs, une conversion idéologique, ça n’est jamais A ou non-A, on n’est jamais Fasciste / Anti-fasciste à 100%2 mais, surtout si on a évolué d’une position à une autre – hormis nouveaux convertis zélés qui épousent leur nouveau parti avec emphase et exagération – on garde un peu de ses positions anciennes, avec parfois quelques contradictions avec lesquelles il faut apprendre à jongler.

Ce que je n’avais pas pris en compte, c’était la possibilité que cette transformation pop-cornéenne de l’individu en rhinocéros, ne soit pas dans le fait de l’individu concerné-même, mais qu’il le devienne dans le regard des autres. Et qu’éventuellement, rageant devant tant d’injustice, il se cabre et devienne, dans un processus autoréalisant, la bête qu’on lui sommait sourdement de devenir en le décrivant tel. Les mésaventures de

auront, pour moi, éclairé la pièce d’une nouvelle lumière.

Notes

  1. Au nazisme, Fascisme, Axe du Mal, djihadisme… bref, entendez ce que vous voulez et amalgamez comme vous voulez en l’adaptant au Méchant du moment. De toute façon ça fait des décennies que le “Fascisme” est galvaudé à force d’être désemployé et suremployé. ↩︎
  2. Pour peu qu’on puisse même définir de manière univoque et universelle ce qu’est le Fascisme, et ce y compris dans le cadre d’une recherche sérieuse. De même, il suffit de voir quelles sont les pratiques des autoproclamés “antifas”, pour voir ce que sont ces gens. ↩︎

Photo d’entête : “You Lookin’ At Me?” par Paul Robertson

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