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Il existe deux façons d’utiliser la formule de Nouvel Ordre Mondial (NOM).

Non pas un nouvel équilibre des puissances

Une faible, qui consiste à constater qu’après une série d’événements historiques donnés, les rapports de force entre les grandes puissances militaires, financières et religieuses ont évolué et créé un nouvel ordre. Cette version est plus ou moins spontanée : des plans s’affrontent et de l’affrontement entre grandes puissances résulte un équilibre (instable) nouveau, et ce à chaque époque de l’Histoire humaine. Ce n’est pas cette version que nous utilisons sur ce site, préférant plutôt la formule de nouvel équilibre des puissances.

Le NOM comme plan

Il y a aussi une acception forte, qui nomme un plan, lentement réalisé au travers des siècles, d’unification du monde sous le joug d’une unique institution politique. La nature et l’identité de ce dirigeant peut changer selon les visions, mais cette unification se fait par le travail d’êtres humains qui ont conscience de poursuivre ce projet et non par une influence surnaturelle ou une destinée que les êtres humains réaliseraient sans forcément le vouloir. C’est un projet profondément constructiviste, donc élitiste, et poursuivi par des initiés.

Plus qu’un mondialisme

Le critère d’unification du monde n’est pas suffisant. En effet, tant les empires que de nombreux systèmes de pensées sociologiques veulent unifier le monde pour atteindre une fin de l’Histoire. Le libéralisme, qui rêve d’un monde pacifié par des échanges commerciaux régulés pas des autorités et des marchés mondiaux, autant que le communisme du XXe siècle ou le technototalitarisme écologiste du XXIème, qui espèrent une planification totale de l’activité des êtres humains sur terre, tous ont une vision idéale d’un monde uni d’une manière ou d’une autre. Il est évident que dans un monde où l’armement peut toucher n’importe quel endroit de la Terre, les conséquences d’incidents technologiques peuvent impacter de larges zones, les denrées inégalement réparties et les communications sont rapides et faciles, il est impossible d’imaginer des systèmes planétaires où chaque groupe social n’a de contact qu’avec ses voisins, en une grande structure totalement décentralisée.

L’idée d’une domination d’une élite mondiale sur l’ensemble des peuples variés est plus juste. Le NOM implique une structure centralisée, autoritaire et fortement élitiste. Un communisme prométhéen fondé sur un Parti international fort, une dictature technocratique (pour sauver la planète, par exemple, grâce aux scientifiques et décideurs visionnaires et capables) ou une domination aristocratique (fascisme des grands entrepreneurs qui ont réussi et que leur succès autorise à diriger le monde en oligarchie mondiale) sont des bons candidats, qui peuvent même être imbriqués. Néanmoins, le communisme impliquant l’égalité de tous, il est une utopie à écarter et ne que reste la domination oligarchique – d’autant plus forte au XXIème siècle avec l’avènement de l’être humain augmenté – secondée par une classe de technocrates légitimant le plan, que des grands prêtres et communicants doivent faire accepter au monde afin de minimiser les recours à la force.

Est-ce obligatoirement un projet religieux ?

A partir du moment où toute action humaine s’inscrit dans une téléologie, le NOM implique nécessairement une forme de religion. L’individu qui aurait réussi à amasser une fortune colossale pour se mettre à l’abri lui et ses proches, qui se sentirait un élu ayant gagné une bonne place dans le monde futur1 pourrait se reposer tranquillement et jouir de sa réussite.

Or, l’argent conduit au pouvoir, qui génère un sentiment de puissance démiurgique et à une vision de l’Histoire possiblement réalisable. L’élite se prend pour Dieu ou pour des agents de Dieu2 sur Terre devant réaliser ses plans. Conjugué au possibilité des transhumanisme ou de posthumanisme, le plan d’unification politique est pensée comme l’avènement de la divinité de l’Homme, mais avec des inégalités, puisqu’une aristocratie doit néanmoins être plus divine que les autres Hommes-Dieux et diriger le reste du peuple ouvert à la conscience. C’est une vision gnostique ou luciférienne d’émancipation de l’être humain, qui s’oppose aux visions catholiques ou musulmanes pour lesquelles l’être humain est universellement soumis au plan de Dieu. Cette tentation est donc aussi vieille que la Genèse, avec Satan qui, pour avoir voulu être l’égal de Dieu a été déchu et qui entraine dans sa chute les humains, sous la forme d’un serpent allant promettre à Eve d’arriver – en transgressant l’interdit de manger des deux arbres du Bien et du Mal et de la Connaissance, en Eden – à égaler un Dieu peureux et jaloux de sa fragile supériorité. La Chute (chap. 3) mènerait à l’épisode de la Tour de Babel (chap. 11) où les hommes veulent toucher le Soleil et devenir les égaux de Dieu en se regroupant tous ; les cycles de destruction reconstruction de la tour (ou du Temple d’Hiram).

Si on fait remonter les Franc-maçons aux égyptiens ou aux antiques sociétés ésotériques et à initiation d’Orient, ceux-ci sont aussi de bons candidats pour incarner cette oligarchie invisible qui opère depuis la nuit des temps (de ce cycle, avant destruction).

La religion juive est plus ambigüe. Certes, contrairement à l’universalisme des Chrétiens (hors Calvinistes, donc) et des Musulmans, le Peuple Elu joue une rôle particulier dans l’Histoire. Du moins il doit être le peuple prêtre, dirigeant et/ou intercesseur entre Dieu, via le Machia’h, et les autres peuples. A priori, jusqu’à certains siècles ce peuple avait des règles propres, drastiques, et son élection était un sacerdoce tant avant l’arrivée du Machia’h qu’après sa venue. Mais certains Kabbalistes ont considéré que plutôt que de se soumettre au plan de Dieu, celui-ci leur avait donné le plan de l’Histoire et la mission de la réaliser activement, pour non pas attendre mais permettre et préparer la venue du Machia’h et la Fin des Temps. Il y a donc deux visions qui s’opposent, et, si la Kabbale est passée de hérétique et minoritaire du VIème siècle jusqu’au XIXème, elle semble avoir gagné beaucoup de place dans le monde juif, au point de renforcer le mouvement sioniste, même celui qui se dit (et se croit) athée.

Sur la base de ces critères, seules trois pensées peuvent être derrière un tel plan :

  • un certain gnosticisme (même quand il se pare de phraséologie chrétienne et/ou Nouvel Age)
  • la Kabbale3
  • le Luciférisme considéré non pas comme doctrine d’une conscience particulière – contrairement au personnalisation de Satan dans la Bible, à prendre comme une personnification symbolique et anthropomorphique d’un principe séducteur et d’une « volonté de puissance ».

Il se peut d’ailleurs que les lucifériens se servent des gnostiques transhumanistes, des Franc-maçons ou autres initiés, et des Kabbalistes comme agents de leurs plans quand ces derniers pensent poursuivre les leurs. En d’autres termes, différents groupes peuvent bien tenter de poursuivre des plans respectifs qui se ressemblent, se servir et s’infiltrer les uns les autres, pirater le complot des autres, et au final ne pas maitriser quoi que ce soit, ce qui relativiserait toute idée de réussite du projet, quand bien même la technologie progressant, le pouvoir que l’humain gagne rend les possibilités coercitives toujours plus importantes, sans que la cuirasse n’avance au même rythme que l’épée.

Au final, il est donc tout à fait normal que les différentes visions d’un complot mondial et séculaire visent toujours les mêmes candidats, les combinent et les combattent.

Il est aussi permis de penser que ce complot est défait à chaque génération, qu’il réussira un jour et que ce sera la fin d’un cycle inéluctable, ou que s’il peut gagner, cette organisation va finir par imploser – tant parce que les dirigeants vont s’oppose les uns aux autres, que par l’impossibilité technique de toute planification dans une catallaxie – après des années et de nombreux morts, mais qu’en tout cas, ce ne sera pas la Fin de l’Histoire.

Notes

  1. Comme les membres des sectes calvinistes dans la version de Max Weber expliquant la naissance du capitalisme. Cf. L’éthique protestante et l’esprit du Capitalisme [1904] ↩︎
  2. D’autres font appel aussi à des récits mettant en jeu des êtres extraterrestres, mais que les dirigeants soient des extraterrestres ne fait que régler des problèmes techniques pour les déplacer plus loin, car il faut encore se demander qui a créé ses êtres et d’où leur vient le plan terrestre et cosmique. ↩︎
  3. Considérée comme une hérésie du Judaïsme, même si elle en a aujourd’hui pénétrée totalement le cœur, à l’instar de l’Eglise Catholique depuis les années 1960 et Vatican II. ↩︎