Nicolas Lecaussin en défenseur du capitalisme

Brice Couturier avait raison de rappeler sur son blog que « non, les libéraux ne se cachent pas sous la table ». Et surtout pas en ces temps où la crise tient lieu d’aubaine pour l’agitation politique des quelques épouvantails cajoleurs de service, et de chambre d’écho aux “second-hand dealers in ideas” dont parlait Hayek1, c’est-à-dire toute cette cour (qui promet) des miracles hantée par des bateleurs médiatiques, saltimbanquiers repentants ou autres rebelles se laissant glisser courageusement sur la pente généreuse du consensus, dont les médias sont friands, et qui sont le « ils » indifférencié auxquels l’ouvrage de Nicolas Lecaussin essaye d’apporter la contradiction. Ainsi, après le Post politique de Mathieu Laine2, c’est à cet ancien de l’iFRAP débarqué pour « sarkozysme trop tiède » (Marianne 2) mais toujours chaud pour défendre une liberté qu’il a connue bafouée dans sa jeunesse en Roumanie, de reprendre fièrement le flambeau de la défense d’un régime, le capitalisme, qui, bon gré mal gré, nous permet tous de vivre et a eu raison finalement de tous ceux qui vendaient sa peau avant de l’avoir vu mort, ou qui voulaient se l’acheter pour s’en faire une belle parure. Pas de peau, il résiste à tous ses détracteurs, et en 219 pages et trois parties, l’auteur nous explique pourquoi les individus l’ont dans la peau et pourquoi, serait-il caché dans sa tanière fusse pendant une parenthèse de 70 ans comme en ex-URSS, il existe peut-être depuis la nuit des temps et demeure increvable.3

Aux abords du livre

Du grand public

Avant d’ouvrir les pages du livre quelques considérations de surface.
Tout d’abord on est chez les éditions First, dont la tête de gondole est la collection Pour les nuls : si l’inflation du nombre de volume tend à faire penser que cette collection deviendra bientôt aussi étendue que les Que sais-je ? des PUF, le public visé n’est pas le même. Ton et forme de l’ouvrage s’en ressentiront très largement, ce qui en fait un livre se lisant facilement dans le train, à la plage, dans le bain, ou ailleurs pour les continentaux qui prennent plutôt des douches et leur voiture, fraicheur et spontanéité d’écriture ayant pour corollaire une certaine superficialité assumée. Du coup la bibliographie se présente liftée au plus juste : 14 références pas toujours détaillées – pour approfondissements voir Jean-François Revel et Alain Laurent qui vous aiguilleront – et pas un bourrelet qui dépasse ; on sent bien que le livre est construit comme un tout devant être auto-suffisant, avec quelques arguments qui feront réfléchir, mais sans attendre pour autant du lecteur qu’il entame un long processus de sortie de la matrice étatiste où il se croyait si bien. Même célérité pour les références et le regard critique sur les chiffres qui sont donnés tout au long de l’ouvrage : le format ne permettant ni n’incitant à nuancer ou à s’encombrer de questions épistémologiques sur la façon dont sont produits rapports et statistiques mentionnés, sur l’art de les choisir et de les interpréter qui, comme chacun le sait, tient parfois plus de la prestidigitation que de la science4, nous sommes bien obligés de les prendre pour argent comptant. Chez First on n’est pas là pour entrainer les lecteurs jusqu’aux panoramas qui leur permettraient de contempler l’infinité de ce qu’ils ignorent, mais pour entretenir du champion de Trivial Pursuit brainybuildé, dopé à la célèbre collection jaune (et ce serait gâcher les effets de la petite morphine intellectuelle qu’on a insufflée aux lecteurs en leurs donnant de la demi-connaissance ludique). « Maigrissez en mangeant des burgers et ne prenez qu’un demi-patch si les effets sont trop puissants. » Sauf que face aux impostures, à la rigueur toute relative des socialismes dits « scientifiques », aux camelots médiatiques (Naomi Klein, Al Gore), comictellectuels (Michael Moore) ou prophètes de l’Apocalypse environnementalistes cachés derrière quelques chiffres du GIEC sans être capables de les comprendre ou de les éprouver, qui s’égosillent pour mieux préparer le terrain aux messies qui marchandent dans le Temple, bref, à force de (se) baigner d’innombrables fois dans ce même fleuve médiatique saturé, on développe des réflexes de probité intellectuelle et de survie mentale qui restent ici, malheureusement, inassouvis, malgré quelques réflexions qui font mouche, que nous aborderons plus bas. Manque alors, comme pour beaucoup d’ouvrages, un site-compagnon qui permettrait d’aller un peu au-delà de ce qui a pu être imprimé, à défaut de notes en fin d’ouvrage, frontière que ne franchissent pas les plus pressés, les plus fainéants et souvent les plus myopes, mais au-delà de laquelle aiment trainer tous les autres… Solution qui aurait le double avantage de ne pas faire fuir le lecteur qui serait peu inspiré par un ouvrage trop complexe, ni celui qui en a marre de lire des textes pour les nuls et aimerait bien passer à pour les initiés qui veulent approfondir un peu.

Esquisse d’une analyse paratextuelle de l’œuvre

Refermons le livre, on avait dit qu’on n’entrait pas encore dedans, qu’on restait sur les « seuils » (de Gérard Genette).

Sa couverture tout d’abord est d’un rouge éclatant, avec un titre noir sur fond bleu fluo scotché dans l’urgence, comme si avec ce design anti-société de consommation on avait voulu reproduire l’affiche qu’un adolescent d’extrême-gauche aurait bricolé pendant les cours pour appeler à la manif’ de ce soir, « contre le péril fasciste imminent », évidemment. Quelque chose comme L’insurrection qui vient5 version défensive, et qui voudrait simplement montrer que, s’ils ne sont pas de dangereux terroristes qui font dérailler les trains de la SNCF, Julien Coupat et sa nébuleuse de siens sont, dès lors qu’ils s’essayent aux idées, des terroristes intellectuels qui font dérailler les esprits. Ou encore de donner dans le street art efficace façon Mai 68, histoire de récupérer le design gauchiste pour casser l’image du libéralisme en mocassin à glands des fils à papa de Neuilly, ce qui est plutôt bien vu.

Le titre, ensuite, en lecteur d’Ayn Rand, ne me plait qu’à moitié. Certes on comprend bien que, tous pris dans le même bateau, s’ils le font couler nous allons aussi être empêtrés dans leurs erreurs,6 mais appeler au secours a quelque chose d’humiliant. Et appeler qui, d’abord ? Tout le livre montre brillamment que demander l’Etat à son chevet c’est un peu comme insister pour se faire soigner par Knock ou tenter d’apprendre à son chien à manger proprement ses croquettes en en gardant de côté pour au cas où. Alors, si j’avais eu le choix j’aurais plutôt penché pour : « Amis de la relance, un autre monde est possible : le Venezuela vous tend les bras », « Tu vois Lénine, ils ont toujours rien pigés », ou encore « A lire avant de tout casser : on vous aura prévenus et après ce sera bien fait pour votre gueule ! ». Mais d’accord, je m’incline, tout ça est un peu long…

Et puis si l’avantage du socialisme sur le libéralisme est que le premier vous laisse entrevoir la possibilité d’être un héros (peut-être même fusillé en pleine gloire comme le Ché, un de ces soirs de pleine lune qui rendent éternels les poètes maudits de l’altruisme chevaleresque – frisson parcourant l’épiderme), peut-être quelques aspirants-bergers sentiront un appel à leurs bons services et achèteront ce livre pour voir quelles brebis égarées ils pourraient aller secourir, loin des sentiers battus et rebattus du sauvetage de la Terre (trop de concurrence) ou des Générations futures (un peu has been déjà, la cause, et pas un merci !) – Seuls les chiffres de vente de la tranche « « détracteurs » de l’économie de marché » pourraient permettre de juger de l’efficacité de cette stratégie marketing…

Reste, enfin, la taille du livre qui est problématique : ni assez grand pour pouvoir assommer le détracteur bienveillant prêt à vous embarquer pour un goulag citoyen-responsable « pour ton bien, frère », ni assez petit pour se loger discrètement dans une poche, histoire de revenir des toilettes, lors d’un débat, tout fier de soi et plein d’un à propos soudain. L’objet perd ainsi une part non négligeable de son utilité potentielle…

Contenu du livre

Sinon, il se lit cet objet ? Oui, avec plaisir, même.

Speed reading

Les trois premiers chapitres sont des sortes de digest introductifs pour les incultes ou les distraits, ou petit tour de chauffe pour ceux qui savent un peu7 : qu’est-ce que le capitalisme, rapide mais complet point de vue historique sur l’essor économique de l’Occident, les bienfaits du capitalisme présenté comme le « pire système à l’exception de tous les autres », qu’est-ce que le libéralisme à la vitesse d’un tour en Europe organisé pour des japonais mais où tous les monuments y passent, puis trois pages et demi de repos sur le Richesse et pauvreté des nations de David Saul Landes (p. 31-34) qui donnent envie d’aller tranquillement dévorer ce pavé au retour au pays du Soleil levant.

Le chapitre 2 est à de nombreux égards significatif.

(Vrai) capitalisme partout tranquille nulle part ?

D’une part son objet étant de montrer que le capitalisme est un système qui marche (contrairement aux expérimentations funestes des autres systèmes) et plutôt bien, quand on le laisse faire, il donne l’impression que, tout comme il y a un sioniste derrière chaque divorce, partout où ça fonctionne c’est le capitalisme, qui a toujours existé comme institution nécessaire aux sociétés humaines. Sauf qu’au moment de dénoncer l’étatisme dans les chapitres suivants, on nous dira que son pouvoir de nuisance a été omniprésent et très efficace depuis l’avènement de l’homo politis, de sorte qu’un vrai capitalisme (libéral, s’entend) n’a jamais totalement existé nulle part, sauf quelques exceptions comme la Hollande, Venise ou les USA et l’Angleterre lors de la vague néo-conservatrice des années 1970. En gros, et pour simplifier avec un peu de mauvaise foi, ce qui n’a jamais vraiment pleinement existé a néanmoins pu apporter d’innombrables bienfaits aux nations qui l’ont adopté (malgré tout). Ou l’impression par moment d’avoir le double inversé des auteurs gauchistes qui voient l’ombre du néo-ultra-libéralisme partout. De sorte qu’à lire les uns ou les autres, on ne sait pas trop bien si l’on vit dans un monde totalement ultralibéral qui survit grâce à quelques poches de résistances sociales aussi répandues et efficaces que minoritaires et opprimées, ou si l’on vit d’un monde restant entièrement inféodé à l’erreur socialiste ancestrale qui demeure en place grâce à la vitalité des marchés libres et créateurs tout en étant malheureusement emprisonnés et pervertis. Ou alors les deux, mon général, selon ce qu’on veut prouver et qu’Aristote vienne se plaindre si la logique s’y perd parfois en chemin…

Un livre-tract

D’autre part, l’absence de connecteurs logiques entre les paragraphes qui donnent parfois l’impression d’une succession d’arguments posés les uns sous les autres, comme autant de coups dans le pif des préjugés anticapitalistes, donnés tout en mouvement, tu veux me répondre que je t’ai déjà fait un contrepied et pam ! un uppercut via un exemple français, une droite depuis le Chili, qui enchaine sur un crochet par une statistique américaine, petit coup depuis l’Espagne, et paf ! ça vient de Chine, etc. Même pas mal ? Tiens, prends encore ça avec une pointe d’ironie et quelques questions confondantes. L’éditeur ayant eu besoin de faire tenir le match en 200 pages, certains rounds ont dû être rognés par arrêt de l’arbitre et malgré la grogne du public qui aurait bien voulu voir un KO pour ses 15 € déboursés. Ou alors il aurait fallu aller jusqu’au bout de l’idée, faire une sorte de condensé en une page de ce que Mathieu Laine commence à faire avec ses 128 pages de la collection « Idées fausses – vraies réponses » chez J.C. Lattès : un préjugé / une réponse. Mettons que ce serait un livre-tract dont on pourrait détacher les pages prédécoupées à l’occasion d’une discussion : « un service public gratuit ? Grossier oxymore, l’ami ! On ne rase pas gratis et le coût est simplement dilué dans tes impôts, gros naïf. Tiens, la page 67 pour ta gouverne, et la page 125 en prime pour que tu apprennes qu’un service rendu par l’Etat est très souvent plus cher et de moins bonne qualité qu’un service rendu par le privé, illustré par les réformes en Nouvelle-Zélande ».

Quelques illusions étatistes dissipées avec joie par l’auteur

Crise : la poutre et les feux de paille du politique

Après le tour de chauffe des trois chapitres introductifs, la deuxième partie « Crise, mais qui sont les coupables ? » rentre dans le vif du sujet et dans le lard de certaines accusations trop faciles.

Ainsi, dans la droite ligne de Vincent Bénard8, Nicolas Lecaussin rappelle tout d’abord qu’aux USA, comme aujourd’hui en France, « en gros, on a fait du droit au logement opposable » (p. 71) et de la discrimination positive avec le Community Reinvestment Act de 1977 (renforcé en 1995) et les désormais célèbres Fannie Mae ou Freddie Mac, des Government-Sponsored-Entreprise (GSE) gérant un portefeuille de 5200 milliards de dollars avec 80 milliards de fonds propres (p. 70) pilotée de près ou de loin par le département d’Etat au Logement et au Développement urbain et quelques lois de 1992 puis 1996 encadrant tout ceci idéologiquement ; celles-ci finançant en retour démocrates et républicains (p. 72). Ou la prudence et la raison sacrifiée sur l’autel de l’idéologie (électoraliste).
De même, la Banque centrale américaine (Fed) menant une politique d’argent facile en faisant fonctionner la planche à billet et jouant sur les taux d’intérêt, a conduit les entreprises et les particuliers américains à s’endetter plus que de raison (p.72), et ce jusqu’à ce que cela finisse par casser. On beaucoup jasé sur l’ex-randien Alan Greenspan et sa gestion de la Fed de 1987 à 2006, mais l’auteur rappelle l’impéritie de cette institution depuis 1914, explique succinctement pourquoi « la monnaie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux dirigeants des banques centrales » (Milton Friedman) et pourquoi les autrichiens Mises et Hayek ont toujours proclamé la nécessité, contre l’apprenti-sorcier Keynes, de privatiser l’émission de monnaie. Il relativise le travail de Greenspan, capable, selon lui, d’« éviter la dépression grâce au déversement de liquidités sur le marché financier ». (p. 74)
Rajoutant encore que les banques françaises s’abreuvant aux mamelles gonflées du lait des impôts de la République (p. 76) n’ont en rien été des parangons de vertus, ou de même les collectivités s’endettant et spéculant dangereusement (p. 76-78), sont des pseudo-hôpitaux qui ne peuvent qu’avec bien des omissions hypocrites se foutre de la charité…

Voilà pour l’actualité récente et notamment la crise. Avec le même angle d’attaque, Nicolas Lecaussin rebondit ensuite de sujet en sujet (agriculture, chemins de fer, Brésil, éducation nationale…) pour montrer que ce que l’on impute rapidement au libéralisme ou aux méchants Sylvestres américains des Guignols de l’Info, ne sont qu’analyses superficielles ou techniques de remballe pour mieux refourguer la boufaille avariée que l’Etat et ses thuriféraires (mais critiques, forcément) veulent nous/se faire gober, avatars contemporains de rengaines réchauffées du XIXème siècle puis du XXe déjà. Libéralisme, capitalisme, économie de marché, etc. ont alors bon dos pour jouer les boucs-émissaires de service, quand fraudes, corruptions et agitations stériles se trouvent depuis la nuit des temps aussi et surtout du côté du monde politique.9

Une faillite de la régulation dénoncée par ses propres promoteurs

Commence alors sans doute partie la plus jubilatoire de l’argumentation lecaussienne, celle qui consiste à « déconstruire » les arguties régulationnistes en énumérant la liste des organismes, lois, règlements, instances, dégustations de petits-fours, orgies de sigles et armées de fonctionnaires (liste qu’il aura fallu écourter sous peine de noyer le lecteur sous un amoncèlement insupportable), qui sont déjà censés prévenir les problèmes et constituer cette fameuse régulation …qu’on nous propose comme remède à la crise. Ainsi les annonces de nouvelles mesures ne sont rien d’autres que de discrètes mais sûres injures à tout cet existant qui n’a su rien montrer d’autres que son inanité. « Pas assez de réglementations, disiez-vous ? » demande alors, joueur, l’auteur alors en pleine contre-attaque. Après un chapitre (le 6ème) consacré à souligner la partialité des médias et politiques dans leur présentation de l’économie (le marché, la Bourse) qui est aux humains ce que systèmes nerveux, sanguin et neuronal est au corps, la course-poursuite continue et le lecteur est amené à contempler toute l’étendue de la probité des Tartufes qui vivent de nos impôts pour mieux nous protéger, quelle abnégation égoïste anime les syndicats et autres chantres du très éthéré « intérêt général », avec quelles réussites l’Etat-entrepreneur ou l’Etat-banquier a su prouver sa grande supériorité sur tous les imbéciles de la société civile qu’il s’agit de guider tels de hauts phares dans la nuit, les profondeurs visqueuses de l’hypocrisie des protectionnistes qui n’hésitent pas à appliquer à l' »étranger » ce qu’ils dénoncent avec des accents apocalyptiques chez eux…

Elargissant enfin le propos (chapitre 8) aux préjugés anti-américains, et au pseudo-réchauffement héroïco-mercantile de la planète pour montrer comment les mêmes mécanismes de diffusion de préjugés opèrent, arrive le temps des conclusions…

Conclusion : auront-ils compris ?

Celles-ci n’ont rien de révolutionnaires, et sans doute les libéraux — c’est leur force et leur faiblesse à la fois — n’ont pas grand-chose de fondamentalement différent à rajouter à la réponse qu’un manufacturier de Bourges fit au roi de France en 1784 : « laissez-nous faire, Sire ». Laissez passer le grain, cesser de vous ingérer, cessez de nous proposer des solutions qui n’ont pour seules vertus que leur capacité à déplacer le mal sur un second pour nous faire oublier le premier. Contrairement aux marxistes qui pendant leurs heures de gloire n’avaient de cesse d’apporter de nouvelles modes théoriques, les amoncelant les unes sur les autres pour mieux occuper les esprits avec la nouvelle et évacuer le temps des bilans des anciennes (altermondalismes aussi foisonnants que stériles et écologie n’étant de ce point de vue que les derniers épisodes de la série-fleuve), les libéraux ont l’humilité de s’en tenir au même discours simple, qui se refuse à tout esprit de système total, au prophétisme ou au messianisme de quelle que sorte que ce soit. Simpliste dirons les détracteurs, tarissement enchaineront les autres. Quant à leurs réalisations ils se feront promoteurs de Tours de Babel-témoins que vous ne pourrez jamais habiter, poètes éthérés, acrobates du concept et contorsionnistes de la pensée, mais n’en attendez pas plus. Il continueront de vivre grâce au capitalisme qui permet à l’économie de faire se rencontrer plus ou moins bien offre et demande, d’allouer les ressources, de faire aller la vie, tout en s’en gaussant bruyamment, à se proposer de « changer la vie » en n’ayant pas d’autres projets que de ponctionner ce qui marche pour subvenir aux frais de carrosses à trois roues pilotés par des institutions qui engloutiront 25% de la richesse puisée en frais de fonctionnement…

Ce livre s’adressent pourtant à eux.

L’ouvriront-ils ? On l’espère. Comme on l’a vu plus haut tout a été fait pour les attirer. Seront-il convaincus ? Probablement pas dans l’instant (ou trop facilement, peut-être) : si ce livre a un mérite, ce serait d’être une première brèche dans la chape de plomb des discours pro-étatistes, une invitation à la réflexion, la première marche de l’escalier qui permet de sortir de la Caverne. Et s’ils n’écoutent pas, tant pis, le monde et l’économie réelle les rattraperont tôt ou tard. Certains auront au moins tenté de leur expliquer, quitte à cent fois sur le métier reprendre le travail de pédagogie. Si les choses ont raison finalement des mots quand ceux-ci n’ont pas de dénotation très précises ou ne sont que sentimentalisme sympatoche, quelques mots arrivés à temps pourront-ils nous (attention, gros mot !) épargner quelques maux à venir… pardon, quelques solutions politiques. On ne nourrit pas de force celui qui ne veut pas manger. Mais peut-être quand il se retrouvera affamé, se souviendra-t-il que, quelque part, il a rencontré une auberge et avec chance en retrouvera-t-il le chemin pour l’avoir déjà croisé. Nicolas Lecaussin et d’autres seront là pour accueillir les convives à leur table.

Notes

  1. Dans son article « Les intellectuels et le socialisme » [1949]. ↩︎
  2. On rajoutera éventuellement L’argent des français de Jacques Marseille. ↩︎
  3. Claude Bébéar craignait en 2003 qu’ils tuent le capitalisme, le « ils » étant ici les patrons immoraux, les spéculateurs inconscients, les banquiers d’affaire, etc. Notons que Lecaussin ne prête à son « ils » à lui que la volonté. Les paris sont ouverts pour deviner lequel des deux sera finalement le plus réaliste. ↩︎
  4. L’exemple le plus amusant étant les soirs d’élections où des pythies inspirées arrivent à déchiffrer de manière parfois tout à fait contradictoires, les « messages » que lui ont envoyé le Peuple dans les urnes. ↩︎
  5. Comitéinvisible, L’insurrection qui vient, La Fabrique, 2007, 125 p. ↩︎
  6. Et on peut même parier sans hésitation qu’ils trouveront anti-social qu’on prenne des canots de sauvetage plutôt que de continuer à écouter leurs violons dès lors que navire aura cogné l’iceberg de la dette ou qu’il faudra payer la facture de toutes leurs solutions. ↩︎
  7. Passages qui amènent Nicolas Lecaussin à dire que, normalement, il n’aurait pas eu à écrire ce livre où ce genre de tours d’horizon maints fois publiés déjà et censés connus par tout honnête homme. Son éditeur le lui a pourtant demandé : il connait son public, on peut lui faire confiance quand il pense que ce n’est pas inutile. ↩︎
  8. Cf. « Subprime : marché accusé, État coupable », Le Figaro, le 9 septembre 2008. ↩︎
  9. Je ne résiste à l’envie d’inciter le lecteur, en complément des exemples donnés par N. Lecaussin, à lire quelques occurrences antiques fournies par le pseudo-Aristote dans le livre II des Economiques. ↩︎

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